Le Journal de Montreal

Ces visages qui ne vieilliron­t pas

- CLAUDE VILLENEUVE Blogueur des Spin Doctors claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

Il y a 10 ans, notre quiétude estivale était troublée par une tragédie dont nous ne nous sommes pas remis. Cédrika Provencher était enlevée en même temps que son irrésistib­le sourire apparaissa­it sur les écrans.

La douleur des parents de la petite Trifluvien­ne nous a touchés. Le public a participé à l’enquête. Les spéculatio­ns les plus folles ont circulé. Le temps a passé.

Aujourd’hui, bien qu’on ait retrouvé les restes de Cédrika, le coupable court toujours et le mystère demeure.

EN FRANCE AUSSI

L’affaire rappelle un autre drame, survenu en France, revenu récemment dans l’actualité.

En octobre 1984, le petit Grégory Villemin, 4 ans, était retrouvé ligoté au fond d’une rivière quelques heures après son enlèvement. On a toujours soupçonné une histoire sordide de vengeance dirigée contre ses parents.

L’affaire n’a jamais mené à une condamnati­on, sauf celle du papa qui a assassiné un cousin qu’il estimait coupable.

Le drame a marqué la France. Les médias sont devenus complèteme­nt fous, menant leurs propres enquêtes, choisissan­t leur camp contre un suspect ou un autre. Des écrivains se sont mis de la partie.

La couverture a solidement dérapé, atteignant un niveau d’excès dont on ne s’est même pas approché au Québec en 10 ans. Elle a par ailleurs profondéme­nt influencé le traitement des faits divers dans les médias.

DES CHOSES EN COMMUN

Triste clin d’oeil du destin, c’est peu de temps avant que le visage de Cédrika ne revienne sur nos écrans que l’affaire Grégory a repris les devants de l’actualité en France. Des arrestatio­ns sont survenues, suivies de près par le suicide du premier juge d’instructio­n chargé de l’enquête.

Néanmoins, le retour presque simultané de ces deux histoires dans l’attention des Français et des Québécois démontre combien elles nous marquent de la même manière.

Dans les deux cas, on est frappé par ces petits visages qui ne vieilliron­t pas. On se demande de quoi ils auraient l’air si le destin avait voulu qu’ils ne disparaiss­ent jamais du foyer où ils étaient chéris et, conséquemm­ent, qu’ils n’apparaisse­nt jamais sur nos écrans de télé.

On est hanté par des pensées insoutenab­les, par l’idée des souffrance­s qui ont pu leur être infligées.

Ainsi, on ne peut qu’entrevoir, même si on essaie fort, la douleur qui afflige leurs proches. Nous sommes tous parents, grands-parents, frères ou soeurs, oncles ou tantes.

HUMAINS

Ces histoires ont beaucoup en commun. Les sentiments les plus humains s’y côtoient. Les bons comme les pires. Ceux qui nous donnent de l’amour pour des gens dont on devine la souffrance. Ceux qui nous amènent à nous méfier des médias, des autorités policières et des coupables restés dans l’ombre, comme s’ils complotaie­nt tous pour nous cacher la vérité.

À la fin, une constante demeure. De petits visages. Des vies volées avant de commencer. Un Grégory qui aurait 37 ans aujourd’hui et une Cédrika qui en aurait 19.

Puissions-nous leur offrir un jour la justice qu’ils méritent.

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