En avons-nous pour notre argent ?
Qu’est-ce que vous fêtez, cet été ? Le 150e anniversaire de la Confédération ? Le 375e de Montréal ? Le 35e du Festival Juste pour rire ? Qu’est-ce que vous avez regardé à la télévision ? Le spectacle du 150e à Ottawa ? La grande traversée à Radio-Canada
À moins que vous ayez tout simplement ignoré les centaines d’heures que la télé et la radio ont consacrées au 150e. Même si vous n’êtes pas un habitué de l’une ou l’autre des chaînes et des plateformes de notre télévision d’État, il est pratiquement impossible de ne pas avoir vu ou entendu parler de cet anniversaire « historique ». Pas plus qu’il n’était possible pour les citoyens de Chicoutimi, de Gaspé ou même d’Iqaluit de ne rien voir ou entendre du 375e anniversaire de Montréal.
Si la CBC a fait grand état de ses émissions spéciales destinées à marquer l’anniversaire de la Confédération, le réseau français s’est montré plus discret. Dans la promotion de ses émissions spéciales, c’est avec parcimonie que la SRC a utilisé le symbole du 150e, cette feuille d’érable stylisée et multicolore dessinée par Ariana Cuvin, une étudiante en design de l’Université de Waterloo, en Ontario.
LE 375e DE MONTRÉAL A GAGNÉ
Gilbert Rozon n’est ni le plus modeste ni le moins audacieux de nos producteurs de spectacles. Il est depuis longtemps passé maître dans l’art du marketing, si bien que les fêtes montréalaises dont il a été le commissaire ont éclipsé celles du 150e du Canada.
À Montréal, jusqu’ici, c’est une véritable orgie de fêtes. Il n’y a pas assez de cônes orange pour toutes les encadrer. Le Festival Juste pour rire revendique à lui seul trois millions de spectateurs, sans compter les milliards de téléspectateurs de 155 pays qui finiront bien par voir l’un ou l’autre des 46 spectacles enregistrés dans la métropole. Comme quoi « cordonnier n’est pas toujours mal chaussé ». Gilbert Rozon, le président de Juste pour rire, a profité du 375e anniversaire de Montréal pour regarnir son catalogue.
L’un de ses meilleurs coups ne sera pas rentable, mais le budget du 375e comblera le trou, comme il comblera le déficit des autres théâtres de Montréal qui ont exceptionnellement mis des pièces à l’affiche au cours de l’été.
ENCORE QUATRE SOIRS
Annoncée tardivement, la venue de la Comédie française ne suscitera pas l’engouement qu’elle aurait mérité. Au Théâtre du Nouveau-Monde, elle présente Lucrèce Borgia, ce chefd’oeuvre de démesure écrit par Victor Hugo. Il ne reste que quatre soirs pour voir une Elsa Lepoivre époustouflante en Lucrèce et Éric Ruf, sobre mais hyperconvaincant en Don Alphonse d’Este. Sans parler des costumes impressionnants de Christian Lacroix.
Toutes ces célébrations coûteront approximativement trois milliards aux Canadiens, dont plus d’un milliard aux Québécois seulement. Ces chiffres pharaoniques, que Sherlock Holmes lui-même n’arriverait pas à comptabiliser avec précision, comprennent environ un milliard pour des infrastructures qui deviendront permanentes.
C’est quand même trop d’argent pour des anniversaires qui n’ont rien de si particulier et sûrement plus de spectacles que ne peuvent en absorber les Montréalais.
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Comme on ne change pas de maire comme on change de Formule E en pleine course, Denis Coderre prendra quelques jours de repos pour recharger ses batteries.