Le Journal de Montreal

Les migrants haïtiens dans le néant durant des mois

Les installati­ons d’accueil et le système de justice débordent, selon des experts

- MATTHIEU PAYEN - Avec la collaborat­ion de Marie-Ève Dumont et de Camille Garnier

Les migrants qui entrent illégaleme­nt au Canada depuis quelques semaines ne connaîtron­t pas leur sort avant des mois, voire des années, craignent des experts.

« La machine a explosé », lâche Stéphane Handfield, avocat en immigratio­n.

Hier, la Croix-Rouge a été forcée de se tourner vers le Stade olympique pour héberger les migrants, qui arrivent toujours de plus en plus nombreux aux douanes canadienne­s. (voir autre texte)

Le YMCA et des hôtels de Montréal étaient déjà au maximum de leur capacité.

L’organisme a aussi été obligé de déplacer certains d’entre eux qui étaient logés dans des résidences de l’UQAM avec l’arrivée imminente de la rentrée scolaire.

C’est sans compter le manque de moyens des services frontalier­s et celui du système de justice, estime Me Handfield, qui voit les délais de traitement des dossiers s’allonger.

Il explique que désormais, la recevabili­té des demandes d’asile n’est plus étudiée à la frontière.

Les migrants doivent se rendre au bureau d’Immigratio­n et citoyennet­é Canada de la rue Saint-Antoine à Montréal pour obtenir une date d’audience devant un commissair­e, qui donnera sa réponse quelques mois plus tard.

« Présenteme­nt, il faut attendre septembre pour la date d’audience, donc les demandeurs d’asile ne sauront pas si leur demande est acceptée avant 2018, évalue Me Handfield. S’il y a refus et appel de la décision, la procédure peut aller jusqu’à un an ou plus. »

Anait Aleksanian, directrice du Centre d’appui aux communauté­s immigrante­s de Montréal accompagne les migrants dans leurs démarches administra­tives.

« C’est souvent le plus gros problème pour ceux qui parlent mal le français, explique-t-elle. Beaucoup d’entre eux ne savent même pas ce qu’est une demande d’asile. »

SITUATION PRÉCAIRE

Une fois ici, les migrants peuvent demander un permis de travail, ont droit à des soins de santé, peuvent envoyer leurs enfants à l’école et, pour les plus pauvres, bénéficien­t de l’aide sociale.

« Rapidement, ils doivent trouver un logement et s’équiper, explique Marjorie Villefranc­he, présidente de l’organisme La Maison d’Haïti. Pour une famille avec des enfants, ça prend une bonne installati­on. Surtout si la situation précaire dure plusieurs années. »

Cependant, du côté du CIUSS de l’Ouestde-l’Île, qui participe à la coordinati­on de la prise en charge des migrants, on estime qu’il n’y a pas de crise. « Nous avons vécu une situation similaire si ce n’est plus forte encore en 2008-2009, avance Emmanuelle Paciullo, chef d’équipe relations média. Nous sommes en revanche effectivem­ent dans une phase de hausse des demandes, pas uniquement d’Haïtiens, mais aussi de Nigériens, de Turcs et de Yéménites. »

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a fait savoir pour sa part qu’il allait travailler de concert avec les deux paliers de gouverneme­nt afin d’accueillir les migrants. M. Coderre a affirmé sur Twitter qu’il y aurait eu 2500 nouveaux arrivants en juillet.

Appelé à réagir, le ministère de la Justice du Canada nous a renvoyé à Citoyennet­é et Immigratio­n Canada, qui n’était pas en mesure de répondre aux questions du Journal, hier.

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De nombreuses familles de migrants sont arrivées, hier, en autobus au Stade olympique, qui s’est transformé en centre d’accueil.

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