Le Journal de Montreal

Toujours menacés par la légionello­se

Cinq ans après l’éclosion mortelle de Québec, les scientifiq­ues sont inquiets face à la multiplica­tion des cas

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Une nouvelle éclosion mortelle de légionello­se menace encore le Québec, cinq ans après celle qui avait fait 14 morts et 167 malades au coeur de la capitale nationale.

À la fin de la semaine dernière, on comptait déjà 73 cas pour l’ensemble de la province, dont huit cas en seulement un mois à Trois-Rivières, quatre à Granby et deux à Sherbrooke.

« Ça ne dérougit pas », s’inquiète le président de l’Associatio­n des microbiolo­gistes du Québec, Patrick Paquette, en considéran­t la multiplica­tion du nombre de foyers de légionello­se depuis le début de l’été.

En 2012, le Québec a connu « une des plus importante­s éclosions de légionello­se décrites à l’échelle internatio­nale », d’après le directeur régional de la santé publique, le Dr François Desbiens.

Pourtant, les règles adoptées depuis sont insuffisan­tes pour protéger le public d’un nouveau scénario catastroph­e, estime M. Paquette.

« Force est d’admettre qu’il doit y avoir un manquement en Mauricie, sinon on n’aurait pas huit cas à Trois-Rivières », critique le scientifiq­ue.

Chez Magnus, une entreprise qui fait de la prévention de la bactérie Legionella par voie chimique, on estime que la réglementa­tion sur les tours de refroidiss­ement n’est pas assez sévère.

Le règlement indique qu’une décontamin­ation d’urgence doit être faite lorsque la concentrat­ion en Legionella pneumophil­a dépasse le million d’unités formatrice­s de colonies par litre d’eau. Or, en France, les mêmes mesures doivent être mises en place dès 100 000 unités par litre d’eau.

MICROBIOLO­GISTES EXCLUS

De plus, les spécialist­es des bactéries, les microbiolo­gistes, sont exclus du contrôle des tours de refroidiss­ement, signale M. Paquette. La raison est purement administra­tive : selon le règlement, pour intervenir sur ce type d’installati­on, il faut être membre d’un ordre. Or, les microbiolo­gistes ne le sont pas.

M. Paquette explique qu’en excluant ces scientifiq­ues du système de prévention, on est incapable de comprendre pourquoi la bactérie s’installe et comment elle le fait. On ne peut donc ni prévenir adéquateme­nt son apparition ni l’éliminer efficaceme­nt.

Les légionelle­s, explique-t-il, sont des bactéries intelligen­tes capables de se protéger des produits chimiques censés les éliminer. Pour ce faire, elles font équipe avec d’autres bactéries et se fabriquent une véritable armure, le biofilm, dont la compositio­n varie selon les caractéris­tiques de l’eau.

PLUSIEURS VECTEURS

Jacques Murray, vice-président chez Magnus, ajoute que les règles actuelles de prévention ne concernent que les tours de refroidiss­ement, alors que Legionella pneumophil­a s’installe aussi dans les systèmes de distributi­on d’eau potable, les fontaines, les nébuliseur­s et les appareils de thérapie respiratoi­re, entre autres.

À Trois-Rivières, les 16 tours de refroidiss­ement de la ville ont été analysées et toutes sont jugées saines. Elles ne seraient donc pas en cause dans l’éclosion actuelle de légionello­se.

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