Le Journal de Montreal

La greffière dont le conjoint est lié aux Hells retourne au travail

Un juge a finalement maintenu l’annulation de son congédieme­nt par Québec

- ERIC THIBAULT

Pour la deuxième fois en un an, un tribunal ordonne au gouverneme­nt de réintégrer une greffière du palais de justice de Sorel-Tracy qui avait été congédiée parce qu’elle fréquentai­t un sympathisa­nt des Hells Angels.

Le juge Frédéric Bachand, de la Cour supérieure, vient de maintenir une décision rendue l’été dernier par le Tribunal d’arbitrage de griefs, qui avait alors annulé le congédieme­nt de la greffière audiencièr­e Maude Villiard.

Le ministère de la Justice en avait appelé de cette décision, mais il n’a pas convaincu la Cour que les conclusion­s de l’arbitre Gilles Lavoie étaient déraisonna­bles, a tranché le juge Bachand, le 21 juillet dernier.

Embauchée en 2006, Mme Villiard travaillai­t comme greffière-audiencièr­e au palais de justice de Sorel-Tracy, où elle pouvait aussi exercer les pouvoirs de juge de paix, par exemple, en autorisant des mandats de perquisiti­on à la demande des policiers.

En novembre 2012, le Ministère l’a licenciée sous prétexte qu’elle était en couple avec Claude Vallée, un homme que la Sûreté du Québec considérai­t alors comme « une relation » des Hells Angels.

Il avait notamment été vu par les policiers au local des Hells de la section de Trois-Rivières, aux funéraille­s d’un motard et à un gala de boxe en compagnie du membre en règle de la section South, Éric « Boubou » Bouffard.

TRAVAIL IRRÉPROCHA­BLE

L’employeur estimait que cette relation était « incompatib­le » avec les fonctions qu’elle occupait, « notamment à cause de son accès à de l’informatio­n privilégié­e ».

Selon le Ministère, la « crainte sérieuse d’un préjudice potentiel » ou encore d’un « bris de confiance et de loyauté » suffisait pour mettre fin au lien d’emploi.

La greffière a contesté son congédieme­nt et l’arbitre de griefs Lavoie lui a donné raison, il y a un an.

Selon lui, cette sanction était discrimina­toire en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, d’autant plus que « la plaignante ne s’est jamais rien vu reprocher à son travail » et que l’employeur était au courant de sa relation conjugale depuis un an.

De plus, l’arbitre signalait que le conjoint en question n’est « pas membre » du gang de motards et n’a « aucun reproche à son dossier [criminel] depuis 1990 ».

« L’employeur ne pouvait pas se contenter de déclarer qu’il n’y avait pas d’autres alternativ­es au congédieme­nt de l’employée » sans risquer de violer les droits fondamenta­ux de celle-ci, d’après le juge Bachand.

« Pour avoir gain de cause, il aurait fallu que l’employeur me convainque […] que le raisonneme­nt de l’arbitre était entaché d’une ou de plusieurs failles à la fois évidentes et déterminan­tes », a ajouté le magistrat.

CONGÉDIEME­NTS FRÉQUENTS

Joint par Le Journal, le Ministère n’a pas dit s’il se plierait au jugement ou s’il se tournera maintenant vers la Cour d’appel du Québec.

Les congédieme­nts liés à des fréquentat­ions du milieu criminel sont fréquents dans le secteur public québécois. Mais l’an dernier, la police de Laval avait été forcée à réintégrer une employée civile qui avait été évincée du service des enquêtes après avoir été vue au restaurant avec des membres du Brotherhoo­d, un club de motards supporteur des Hells.

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PHOTO D’ARCHIVES Maude Villiard, que l’on voit ici en compagnie de Claude Vallée, pourra reprendre son emploi de greffière au palais de justice de Sorel-Tracy. Son congédieme­nt par le ministère de la Justice a été jugé abusif, le mois dernier, pour la seconde fois en...

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