La greffière dont le conjoint est lié aux Hells retourne au travail
Un juge a finalement maintenu l’annulation de son congédiement par Québec
Pour la deuxième fois en un an, un tribunal ordonne au gouvernement de réintégrer une greffière du palais de justice de Sorel-Tracy qui avait été congédiée parce qu’elle fréquentait un sympathisant des Hells Angels.
Le juge Frédéric Bachand, de la Cour supérieure, vient de maintenir une décision rendue l’été dernier par le Tribunal d’arbitrage de griefs, qui avait alors annulé le congédiement de la greffière audiencière Maude Villiard.
Le ministère de la Justice en avait appelé de cette décision, mais il n’a pas convaincu la Cour que les conclusions de l’arbitre Gilles Lavoie étaient déraisonnables, a tranché le juge Bachand, le 21 juillet dernier.
Embauchée en 2006, Mme Villiard travaillait comme greffière-audiencière au palais de justice de Sorel-Tracy, où elle pouvait aussi exercer les pouvoirs de juge de paix, par exemple, en autorisant des mandats de perquisition à la demande des policiers.
En novembre 2012, le Ministère l’a licenciée sous prétexte qu’elle était en couple avec Claude Vallée, un homme que la Sûreté du Québec considérait alors comme « une relation » des Hells Angels.
Il avait notamment été vu par les policiers au local des Hells de la section de Trois-Rivières, aux funérailles d’un motard et à un gala de boxe en compagnie du membre en règle de la section South, Éric « Boubou » Bouffard.
TRAVAIL IRRÉPROCHABLE
L’employeur estimait que cette relation était « incompatible » avec les fonctions qu’elle occupait, « notamment à cause de son accès à de l’information privilégiée ».
Selon le Ministère, la « crainte sérieuse d’un préjudice potentiel » ou encore d’un « bris de confiance et de loyauté » suffisait pour mettre fin au lien d’emploi.
La greffière a contesté son congédiement et l’arbitre de griefs Lavoie lui a donné raison, il y a un an.
Selon lui, cette sanction était discriminatoire en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, d’autant plus que « la plaignante ne s’est jamais rien vu reprocher à son travail » et que l’employeur était au courant de sa relation conjugale depuis un an.
De plus, l’arbitre signalait que le conjoint en question n’est « pas membre » du gang de motards et n’a « aucun reproche à son dossier [criminel] depuis 1990 ».
« L’employeur ne pouvait pas se contenter de déclarer qu’il n’y avait pas d’autres alternatives au congédiement de l’employée » sans risquer de violer les droits fondamentaux de celle-ci, d’après le juge Bachand.
« Pour avoir gain de cause, il aurait fallu que l’employeur me convainque […] que le raisonnement de l’arbitre était entaché d’une ou de plusieurs failles à la fois évidentes et déterminantes », a ajouté le magistrat.
CONGÉDIEMENTS FRÉQUENTS
Joint par Le Journal, le Ministère n’a pas dit s’il se plierait au jugement ou s’il se tournera maintenant vers la Cour d’appel du Québec.
Les congédiements liés à des fréquentations du milieu criminel sont fréquents dans le secteur public québécois. Mais l’an dernier, la police de Laval avait été forcée à réintégrer une employée civile qui avait été évincée du service des enquêtes après avoir été vue au restaurant avec des membres du Brotherhood, un club de motards supporteur des Hells.