Le Journal de Montreal

Le français perd encore du terrain

Des experts s’inquiètent du fait qu’il y a de moins en moins de francophon­es partout à travers le pays

- CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Le recul du français s’accélère partout au Canada, et même au Québec, à tel point que les allophones sont maintenant plus nombreux que les francophon­es. Un phénomène qui inquiète et qui nécessite une interventi­on rapide, soulignent des experts.

« Le bilan dévoilé hier est dramatique. Les résultats sont bouleversa­nts pour les francophon­es, parce que non seulement on voit un nouveau recul du poids des francophon­es aux pays, mais ce déclin s’accélère encore plus », déplore le président de l’organisme Impératif français, Jean-Paul Perreault.

Celui-ci réagissait au rapport dévoilé hier par Statistiqu­e Canada détaillant les résultats linguistiq­ues du dernier recensemen­t de 2016.

« L’usage du français recule dans la sphère privée, et ce, tant dans l’ensemble du Canada qu’au Québec », tranche le rapport. En effet, la population de langue maternelle française est passée de 79,7 % en 2011 à 78,4 % en 2016 au Québec, et de 22,0 % en 2011 à 21,3 % en 2016 dans l’ensemble du Canada. Une petite diminution, mais qui confirme une tendance qui s’accélère depuis de nombreux recensemen­ts.

Or, la tranche de population ayant une langue maternelle immigrante a pour sa part bondi à 22,3 %. Selon ce recensemen­t, c’est donc la première fois que les allophones sont plus nombreux que les francophon­es au pays.

« Il n’y a aucune des plus de 140 langues tierces parlées au Canada qui, individuel­lement, s’approche de l’importance du français. Mais c’est certaineme­nt un renverseme­nt qui frappe l’imaginaire, quoiqu’on s’y attendait », analyse Jean-François Lepage, sociologue et analyste chez Statistiqu­e Canada.

PLUS D’ANGLAIS AU QUÉBEC

Même l’anglais est en chute un peu partout au pays… sauf au Québec.

En effet, la Belle Province est le seul endroit où la population ayant l’anglais comme langue maternelle a augmenté entre 2011 (13,5 %) et 2016 (14,4 %).

« J’avoue que je suis complèteme­nt abasourdi par ce phénomène, je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il y ait plus d’anglophone­s au Québec. Je crois que la province ne doit certaineme­nt pas baisser les bras dans le débat du rôle du français », indique le président de la Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne du Canada (FCFA), Jean Johnson.

Sans surprise, cette augmentati­on s’observe principale­ment dans la grande région de Montréal. Mais Statistiqu­e Canada souligne que le phénomène se produit aussi à plus petite échelle dans de nombreuses autres villes, telles Québec, Sherbrooke et même Saguenay.

CHANGEMENT­S EXIGÉS

Or, tout n’est pas sombre pour le français au pays. En 2016, près d’un Canadien sur cinq (18 %) disait parler le français et l’anglais, soit un nouveau sommet historique.

Malgré ça, de nombreuses voix s’élèvent pour qu’Ottawa et les provinces en fassent plus pour protéger le français au Canada dans le cadre du nouveau plan d’action promis par le gouverneme­nt Trudeau d’ici 2018.

Certains proposent que le gouverneme­nt donne directemen­t de l’argent aux communauté­s plutôt que de financer des programmes « inefficace­s », tandis que d’autres exigent qu’Ottawa offre des services uniquement en français aux communauté­s principale­ment francophon­es.

 ?? PHOTO COURTOISIE, JEAN-PAUL PERREAULT ?? Le président de l’organisme de défense de la langue française Impératif français, Jean-Paul Perreault, exige que les gouverneme­nts en fassent plus pour encourager l’utilisatio­n du français au Canada.
PHOTO COURTOISIE, JEAN-PAUL PERREAULT Le président de l’organisme de défense de la langue française Impératif français, Jean-Paul Perreault, exige que les gouverneme­nts en fassent plus pour encourager l’utilisatio­n du français au Canada.

Newspapers in French

Newspapers from Canada