Le français perd encore du terrain
Des experts s’inquiètent du fait qu’il y a de moins en moins de francophones partout à travers le pays
OTTAWA | Le recul du français s’accélère partout au Canada, et même au Québec, à tel point que les allophones sont maintenant plus nombreux que les francophones. Un phénomène qui inquiète et qui nécessite une intervention rapide, soulignent des experts.
« Le bilan dévoilé hier est dramatique. Les résultats sont bouleversants pour les francophones, parce que non seulement on voit un nouveau recul du poids des francophones aux pays, mais ce déclin s’accélère encore plus », déplore le président de l’organisme Impératif français, Jean-Paul Perreault.
Celui-ci réagissait au rapport dévoilé hier par Statistique Canada détaillant les résultats linguistiques du dernier recensement de 2016.
« L’usage du français recule dans la sphère privée, et ce, tant dans l’ensemble du Canada qu’au Québec », tranche le rapport. En effet, la population de langue maternelle française est passée de 79,7 % en 2011 à 78,4 % en 2016 au Québec, et de 22,0 % en 2011 à 21,3 % en 2016 dans l’ensemble du Canada. Une petite diminution, mais qui confirme une tendance qui s’accélère depuis de nombreux recensements.
Or, la tranche de population ayant une langue maternelle immigrante a pour sa part bondi à 22,3 %. Selon ce recensement, c’est donc la première fois que les allophones sont plus nombreux que les francophones au pays.
« Il n’y a aucune des plus de 140 langues tierces parlées au Canada qui, individuellement, s’approche de l’importance du français. Mais c’est certainement un renversement qui frappe l’imaginaire, quoiqu’on s’y attendait », analyse Jean-François Lepage, sociologue et analyste chez Statistique Canada.
PLUS D’ANGLAIS AU QUÉBEC
Même l’anglais est en chute un peu partout au pays… sauf au Québec.
En effet, la Belle Province est le seul endroit où la population ayant l’anglais comme langue maternelle a augmenté entre 2011 (13,5 %) et 2016 (14,4 %).
« J’avoue que je suis complètement abasourdi par ce phénomène, je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il y ait plus d’anglophones au Québec. Je crois que la province ne doit certainement pas baisser les bras dans le débat du rôle du français », indique le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Jean Johnson.
Sans surprise, cette augmentation s’observe principalement dans la grande région de Montréal. Mais Statistique Canada souligne que le phénomène se produit aussi à plus petite échelle dans de nombreuses autres villes, telles Québec, Sherbrooke et même Saguenay.
CHANGEMENTS EXIGÉS
Or, tout n’est pas sombre pour le français au pays. En 2016, près d’un Canadien sur cinq (18 %) disait parler le français et l’anglais, soit un nouveau sommet historique.
Malgré ça, de nombreuses voix s’élèvent pour qu’Ottawa et les provinces en fassent plus pour protéger le français au Canada dans le cadre du nouveau plan d’action promis par le gouvernement Trudeau d’ici 2018.
Certains proposent que le gouvernement donne directement de l’argent aux communautés plutôt que de financer des programmes « inefficaces », tandis que d’autres exigent qu’Ottawa offre des services uniquement en français aux communautés principalement francophones.