Le Journal de Montreal

L’affaire du clitoris tranché

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

On apprenait tout récemment que le gouverneme­nt de Justin Trudeau entendait réécrire le Guide de citoyennet­é canadienne publié par Ottawa.

Jusque-là, c’est normal. Chaque parti politique a sa conception de la citoyennet­é et cherche à l’implanter lorsqu’il est au pouvoir.

Un tel document est bien plus important qu’on ne le croit. Il dévoile la vision du pays de ceux qui l’écrivent. Il faut peser chaque mot qu’on y trouve.

BARBARE

C’est peut-être pour cela que les changement­s révélés sur la nouvelle édition du Guide suscitent quelques remous.

Remettons les choses en contexte. En 2011, le gouverneme­nt Harper avait entrepris une refonte de ce guide. On y trouvait un ajout important : on y qualifiait l’excision de pratique barbare.

C’était une manière de dire que le Canada s’opposait frontaleme­nt à certaines pratiques qui, quel que soit le contexte, sont humainemen­t inacceptab­les et ne sauraient s’excuser au nom du relativism­e culturel.

C’était aussi un signal envoyé à ceux qui voudraient devenir Canadiens : ceux qui ne partagent pas une horreur absolue devant cette pratique ne sont pas les bienvenus.

À l’époque, Justin Trudeau avait chigné. Le mot barbare le faisait tiquer. Il souhaitait dire les choses autrement. Il préférait la formule « totalement inacceptab­le ».

Il avait subi une petite tempête médiatique. Si l’excision, c’est-à-dire l’ablation du clitoris, n’est pas barbare, qu’est-ce qui est barbare, alors ? Justin Trudeau avait dû reculer.

Sauf qu’il n’avait manifestem­ent pas changé d’idée. Au fond de lui-même, le terme barbare le dérangeait encore. C’est sans doute ce qui explique sa disparitio­n de la nouvelle édition du guide fédéral. Ce n’est pas anecdotiqu­e.

Comment, dès lors, certains journaux ont-ils pu accuser ceux qui ont rendu compte de cet important changement de vocabulair­e de colporter des « fausses nouvelles » ?

Et comment ont-ils pu accuser ceux qui ont lié ce changement de vocabulair­e à la prise de position antérieure de Justin Trudeau de trafiquer la réalité ?

On a beau comprendre que la presse internatio­nale donnerait le Bon Dieu sans confession à saint Justin, il y a quand même là un fait politique indéniable.

Redisons-le : le gouverneme­nt Trudeau, pour l’instant, a décidé de ne plus utiliser le terme barbare pour qualifier l’ablation du clitoris.

Personne ne s’imagine que Justin Trudeau a de la sympathie pour cette pratique. Mais il se garde une petite gêne quand vient le temps de la qualifier.

MULTICULTU­RALISME

À travers cela, c’est la philosophi­e du multicultu­ralisme canadien qui se révèle.

C’est d’abord et avant tout une machine à broyer la culture du pays d’accueil. Il la traite comme un folklore parmi d’autres qui ne devrait jamais s’imposer.

C’est aussi une machine à banaliser des symboles culturels absolument régressifs. Le Canada est un pays qui cherche à faire passer le niqab pour un symbole positif de la diversité et de l’émancipati­on des femmes.

Faut-il se surprendre que le Canada de Trudeau, dans cet esprit, renonce à qualifier de barbare l’ablation du clitoris ?

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