Le Journal de Montreal

Un cimetière pour ne pas déranger

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

En vendant au Centre culturel islamique de Québec un terrain pour établir son cimetière, Régis Labeaume nous a permis à tous de sauver la face.

Saluons également la patience des autorités du CCIQ, qui ont accueilli cette annonce avec soulagemen­t.

CHEZ EUX ICI

Depuis l’attentat de janvier, on a découvert le portrait de plusieurs membres de la communauté musulmane. Des gens qui aiment le Québec, qui sont productifs et qui élèvent leurs enfants conforméme­nt aux pratiques d’une société sécularisé­e.

L’agression et les déferlemen­ts de commentair­es malveillan­ts dont leur communauté fait l’objet sur les réseaux sociaux ont éveillé pour plusieurs de douloureux questionne­ments. Avaientils raison de se sentir chez eux, ici, parfois depuis des décennies ?

On peut comprendre leurs doutes. Prenez l’enjeu du cimetière. Une transactio­n survenue entre une municipali­té et une institutio­n privée, qui achète un terrain pour l’exploiter conforméme­nt aux lois, en quoi ça peut créer un rejet aussi épidermiqu­e ?

SANS DÉRANGER

Qu’est-ce que ça change dans nos vies que des gens de confession musulmane possèdent un terrain et s’y fassent enterrer le visage vers la Mecque ?

En discutant avec les opposants, on se rappelle que c’est non sans difficulté que les Québécois se sont libérés du religieux et que toute profession de foi peut être perçue ici comme du prosélytis­me. Or, c’est justement le contraire de ce que voulaient les gens du CCIQ : gérer leur cimetière à leur façon, sans déranger les autres avec ça.

Les messages que j’ai reçus suivant mes dernières chroniques m’ont permis de constater que plusieurs personnes semblent ignorer que les cimetières sont généraleme­nt catholique­s, protestant­s ou juifs.

J’ai également vu beaucoup de gens affirmer que s’ils allaient vivre dans un pays musulman, jamais ils ne pourraient être enterrés selon un rite catholique. Ça m’a fait rigoler, parce que je reviens du Sénégal, où l’islam regroupe 90 % de la population, mais où tous les cimetières comportent une section chrétienne.

Les croissants de lune d’un côté, les croix de l’autre. Là-bas, ça se vit dans l’harmonie. On doit bien pouvoir faire la même chose ici ?

QUI DÉPASSE LES BORNES ?

Il y a des gens qui trouvent que c’est normal que les musulmans reçoivent des messages de menaces et que c’est compréhens­ible qu’ils se fassent attaquer, puisque tant de violences sont commises au nom de leur foi à l’étranger.

Ça dépasse les bornes. Un musulman qui habite au Québec et qui respecte nos lois, c’est un citoyen québécois. Point barre. Quand on considère que celui-ci mériterait de subir des gestes violents à cause de gens qui prient le même Dieu que lui, on a franchi la ligne du racisme et de la haine depuis longtemps.

Les membres du CCIQ ne réclamaien­t pas un traitement différenci­é. Ils demandaien­t simplement le respect que nous accordons à tous. Ce sont ceux qui trouvent que c’est déjà trop qui constituen­t le problème, pas les musulmans.

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