L’autopsie d’une baleine en 10 étapes
On cherche à comprendre pourquoi 10 cétacés sont morts dans le golfe du Saint-Laurent depuis le début de l’été
Le Journal a eu accès aux coulisses des deux premières nécropsies de baleines noires aux Îles-de-laMadeleine, grâce à la collaboration d’un photographe bénévole qui a documenté l’opération pour l’équipe scientifique.
« C’était les premières baleines que je voyais, je ne les oublierai jamais », confie Gilbert Boyer, qui était en vacances aux Îles quand un ami lui a demandé son aide pour documenter les nécropsies.
« Ce qui est impressionnant, c’est la dimension. C’est énorme, c’est mort et c’est là sur la plage », raconte-t-il encore impressionné. L’odeur par contre ne l’a pas gêné. « À 500 mètres, on la sentait, mais au fur et à mesure qu’on s’approchait, l’odeur s’estompait. Le vent aux Îles, ça aide », dit-il.
« Il y a le vent et aussi la concentration. On est tellement concentré, nos autres sens sont tellement aux aguets, qu’on dirait que le cerveau fait abstraction de l’odeur », complète la Dre Émilie Couture.
BOUCHERIE À CIEL OUVERT
L’opération dure toute une journée. Huit heures de travail en plein soleil.
« C’est une boucherie à ciel ouvert », commente le photographe.
Une vingtaine de personnes s’affairent tout autour du corps.
« C’est assez surprenant l’ordre avec lequel ils travaillent. Chacun sait ce qu’il a à faire, même si c’est la première fois qu’ils font ça pour la plupart. Ils respectent une séquence très précise », relate M. Boyer.
Devant la décomposition rapide des corps, il n’y a pas une minute à perdre, alors les scientifiques ne s’arrêtent même pas pour manger ou boire. Les bénévoles les nourrissent et les abreuvent à la demande, directement dans la bouche pour qu’ils n’aient pas à retirer leur combinaison collée au duct tape et ne contaminent pas la carcasse, explique la Dre Couture.
UN PEU EN DÉSORDRE
« Le plus surprenant, ça a été quand la baleine a été ouverte complètement, relate M. Boyer. À l’intérieur, c’était comme un paquet d’os en désordre, comme l’intérieur d’une sacoche. C’était surprenant de voir un tel désordre dans le corps d’un être vivant normalement constitué. »
« À la fin, eux (les scientifiques) sont couverts de sang et de gras. Moi-même mes pantalons de pêche étaient pleins de graisse, raconte M. Boyer. Ce n’est vraiment pas un spectacle inspirant. »
Le photographe reviendra de vacances le coeur lourd et l’esprit inquiet.
« Le sentiment qu’on a en voyant ça, c’est quel gaspillage de nature terrible. »
« Ça nous démontre encore une fois à quel point le fleuve est un endroit très fragile, complète Émilie Couture. C’est important de documenter ce qui s’y passe. »