Le premier hôpital vétérinaire ( 1866 )
À une minute de marche de la station de métro De la Savane se trouve le plus vieil hôpital vétérinaire de Montréal, du Québec et du Canada : l’hôpital vétérinaire Baker. Il a été fondé en 1866, soit trois ans avant la création de la SPCA au pays. En 1956, il déménage rue Mayrand, où il se trouve toujours. Juste un peu avant la Confédération, voici donc un établissement médical d’un genre nouveau, inimaginable un siècle plus tôt : l’hôpital pour animaux.
Les mentalités viennent de changer au sein de l’élite, du moins celle qui a assez d’argent pour se payer le luxe d’avoir un animal de compagnie en ville. Pour la famille ouvrière moyenne, l’idée d’un chat ou d’un chien domestique n’a aucun sens ; on est déjà coincé dans de petits logements souvent trop sombres, et les animaux n’y ont pas leur place ! Aux chats et chiens les ruelles et les champs, là où il y a nourriture, mulots et autres bestioles, à chasser. Quand il y a trop de chiens errants, on sort le fusil. On n’a alors aucun scrupule à tuer un animal puisque… ce n’est qu’un animal, après tout ! Non seulement l’Église ne reconnaît-elle pas d’âme aux animaux, mais, ce qui est pire, un philosophe rationaliste comme René Descartes ne voit en eux que des machines dont les nerfs s’apparentent à des ressorts et qui crient ou hurlent mécaniquement sans vraiment avoir de sensations. Bref, alors qu’un prêtre voit dans le moindre chaton une créature que l’homme doit respecter pour ce qu’elle est, l’esprit rationaliste français lui ôte toute valeur, même animale, pour en faire une simple chose qui peut faire l’objet de toutes les cruautés ! Est-ce pour cette raison que Montréal doit son âme charitable envers les animaux à sa communauté anglophone ? Sans doute, d’autant que c’est en Angleterre qu’est né le souci moderne des animaux.
CE N’EST QU’UN ANIMAL, APRÈS TOUT !
Lorsque je visite un refuge pour animaux, lorsque je participe à des marches en faveur du droit des animaux, je remarque qu’une majorité de bénévoles sont anglophones, c’est indéniable. Et si je regarde le Canada, le Québec, cette province que je tiens pour mon pays, me fait honte à cause de son bilan sordide ! Trois ans après l’hôpital vétérinaire Baker, en 1869, la SPCA ouvre ses portes non loin de là, dans l’ouest de l’île. Ces animaux que l’on massacrait quand ils se multipliaient un peu trop, on va au moins tenter de s’en débarrasser plus… humainement. Je veux dire : plus dignement. Aux « safaris » durant lesquels les policiers s’amusaient à tirer sur les chiens errants vont succéder des campagnes de capture suivies, trop souvent, hélas, d’euthanasies.
Quelque 150 ans après la fondation de l’hôpital Baker, le Québec commence à peine à rattraper les autres provinces où l’on peut faire de la prison quand on maltraite un animal, alors qu’ici la loi reste laxiste puisque… ce n’est qu’un animal, après tout. Quelqu’un s’est-il offusqué, en 1866, que cet hôpital pour animaux soit créé alors il n’y avait pas encore d’hôpital pour enfants ? Le Montreal Children’s Hospital ne sera fondé que 38 ans plus tard (en 1904). Je sais que les historiens ne mentionnent pas l’hôpital Baker, qui n’a pas une grande influence, il est vrai, sur les événements politiques de l’époque, mais l’ouverture de ce tout premier hôpital vétérinaire au Canada, à Montréal, marque un jalon dans nos mentalités. Du moins annoncet-elle longtemps à l’avance l’évolution des mentalités chez les Canadiens français, même si, dans ce domaine, ils sont encore en retard sur les Anglo-Montréalais.