Le Journal de Montreal

Leur arrivée au Québec se transforme en cauchemar

Sans emploi, un père de famille français ne peut plus nourrir ses enfants

- CATHERINE MONTAMBEAU­LT

Un père de famille français récemment arrivé au Québec n’arrive plus à payer l’épicerie pour nourrir ses quatre filles depuis que la seule entreprise pour laquelle son permis de travail l’autorisait à travailler a fait faillite.

« On est venus ici dans l’espoir d’une vie meilleure, mais maintenant, le rêve se transforme en cauchemar », raconte avec désespoir Nasser Koronfol, qui a écrit au Journal pour lancer un cri du coeur.

FAILLITE

L’homme de 48 ans a quitté la région de Paris avec sa femme et ses enfants en mai pour s’installer à Sherbrooke, où un emploi comme boulanger artisanal l’attendait à l’épicerie fine Délices des nations.

Mais à peine un mois plus tard, l’entreprise a déclaré faillite. Comme M. Koronfol détenait un permis de travail fermé, qui ne l’autorisait à travailler que pour ce commerce, le boulanger se retrouve désormais non seulement sans emploi, mais aussi sans possibilit­é d’être embauché ailleurs avant plusieurs mois.

« Il faut que je refasse toutes les démarches que j’avais déjà faites pour avoir un permis de travail. […] Ça prend des mois et des mois… Mais on ne peut pas vivre tout ce temps-là sans revenus », déplore celui qui dit refuser de donner un mauvais exemple à ses enfants en baissant les bras et en retournant vivre en France.

SOLIDARITÉ

Sa conjointe, Christine Archambaul­t, possède quant à elle un permis de travail ouvert. Celui-ci ne lui permet toutefois pas d’occuper un emploi dans le domaine de la garde d’enfants, alors qu’elle est éducatrice à la petite enfance de formation.

« Elle vient de décrocher 18 heures par semaine comme vendeuse dans une boutique, indique Nasser Koronfol. Mais évidemment, c’est loin de suffire pour subvenir aux besoins de six personnes. »

Pour l’instant, les six membres de la famille vivent chez un retraité sherbrooko­is qui a accepté de les héberger gratuiteme­nt. Un autre bon Samaritain leur a offert des habits de neige et des fourniture­s scolaires pour les fillettes, qui entreront à l’école québécoise en septembre.

Comme le montant de la faillite de Délices des nations s’élève à près d’un million de dollars, M. Koronfol s’explique bien mal pourquoi les autorités canadienne­s ont autorisé qu’un commerce avec de telles difficulté­s financière­s l’embauche.

Caroline Morin, consultant­e en immigratio­n canadienne et directrice d’Objectif Terre, se pose la même question.

« C’est Service Canada, en collaborat­ion avec le ministère de l’Immigratio­n du Québec, qui doit évaluer la capacité financière de l’employeur à embaucher un travailleu­r étranger, dit-elle. Qu’est-ce qui s’est passé, ici ? Est-ce que les documents fournis par l’employeur étaient corrects et véridiques ? » demande-t-elle.

EMPLOYEURS REFROIDIS

Plusieurs entreprise­s sherbrooko­ises en manque de main-d’oeuvre ont offert d’engager le boulanger français. Mais lorsqu’elles apprennent qu’elles devront investir temps et argent avant de pouvoir le compter parmi leurs employés, elles sont rapidement refroidies.

« Pour embaucher un travailleu­r comme lui, un employeur doit faire faire une étude d’impact sur le marché du travail, qui lui coûte 1000 $, sans même savoir si la réponse sera positive, note Caroline Morin. Il doit ensuite attendre que M. Koronfol obtienne un certificat d’acceptatio­n du Québec et un nouveau permis de travail. Tout ça, ça prend au moins trois mois. »

 ?? PHOTO CAROLINE LEPAGE ?? La famille Koronfol-Archambaul­t, composée de Wama Koronfol (9 ans), Christine Archambaul­t, Wadia Koronfol (12 ans), Wegdania Koronfol (10 ans), Nasser Koronfol et Wassaya Koronfol (5 ans, à l’arrière), vit chez un retraité qui l’a prise sous son aile.
PHOTO CAROLINE LEPAGE La famille Koronfol-Archambaul­t, composée de Wama Koronfol (9 ans), Christine Archambaul­t, Wadia Koronfol (12 ans), Wegdania Koronfol (10 ans), Nasser Koronfol et Wassaya Koronfol (5 ans, à l’arrière), vit chez un retraité qui l’a prise sous son aile.

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