Le Journal de Montreal

Quand la fratrie est divisée

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Aussi loin que je me souvienne, mes parents m’ont imposé de m’occuper de mon frère de deux ans mon cadet. Il fallait que je le traîne avec moi partout, sous prétexte qu’il était petit et qu’il fallait qu’il apprenne au contact d’une soeur plus grande et plus sage. Et dans un sens, ça me faisait un certain velours. J’avais l’impression d’avoir une place privilégié­e dans le coeur de mes parents. Mais à l’adolescenc­e, je me suis rendu compte qu’ils se soulageaie­nt en me mettant dans les pattes ce garçon turbulent, hyperactif et bouillant d’idées toutes plus folles les unes que les autres. Mais j’ai enduré.

Il a bâclé ses études secondaire­s et plutôt que de poursuivre au collégial, il s’est lancé sur le marché du travail au grand désespoir de mes parents. Il a toujours dépensé plus qu’il ne gagnait et mes parents ont toujours épongé ses dettes. Comme j’ai la chance d’exercer une profession libérale qui me procure une certaine aisance financière, je ne me suis jamais formalisée de ce que mes parents lui donnaient à lui sans rien me donner à moi.

Puis mon père est décédé en léguant ses biens à ma mère, qui elle a continué de soutenir mon frère comme avant. Père de deux enfants avec deux femmes différente­s, je vous dis pas la somme mensuelle de pensions qu’il doit assumer sans pouvoir payer. Toujours est-il que ma mère, décédée l’an dernier, nous a laissés une succession remplie de dettes que ni l’un ni l’autre n’a voulu accepter.

Je me suis donc retrouvée avec mon frère sur les bras. Au début je l’ai aidé, car je ne me sentais pas le courage de lui refuser ce que mes parents lui avaient toujours accordé. Mais là, sur ordre de mon conjoint, je fus obligée d’arrêter. Selon lui, il est temps que mon frère apprenne à se débrouille­r tout seul. Nous avons encore trois enfants étudiants à charge, et selon lui, c’est à eux que nos biens doivent aller et non à un frère qui, de fait, a grugé la totalité de notre héritage à lui seul.

Depuis que je lui ai annoncé l’arrêt des subvention­s, il ne m’appelle plus, même pas pour me demander de mes nouvelles. Il fait comme si je n’existais plus. Je ne sais pas comment il se débrouille et ça m’inquiète. Je me sens comme une soeur indigne et je n’ose en parler avec mon conjoint car je sais qu’il va trouver que je manque de colonne vertébrale. Est-ce normal de me sentir comme ça, ou bien trouvez-vous que je manque de coeur?

Une soeur responsabl­e

Vos parents ont couvé votre frère et ils ont fait en sorte que vous vous sentiez obligée de le couver vous aussi à leur départ. Vous n’êtes pas indigne, vous avez juste cessé d’assumer le poids qu’ils vous ont mis à tort sur les épaules. Cette rupture avec votre frère est la conséquenc­e d’un mauvais pli que vos parents lui ont donné en ne le mettant jamais face à ses responsabi­lités. Je sais que c’est dur pour vous, mais dites-vous que c’est la seule façon de forcer votre frère, si jamais il le peut, à devenir adulte et à prendre sa vie en main.

Où s’en va le Québec?

Ici au Québec, on louange les gais, on respecte les musulmans, on accepte les immigrants de partout et on aide les sinistrés lors des inondation­s. Que reste-t-il pour nous les vieux? Des CHSLD minables où on nous sert des patates en poudre et des toasts pas mangeables. Et vous appelez ça de la générosité? Moi j’appelle ça de l’aplaventri­sme.

Anonyme

Une société saine doit lutter contre toutes les injustices et toutes les inégalités en son sein, y compris contre les patates en poudre.

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