LE PETIT PRINCE DU TENNIS
À 18 ans, Denis Shapovalov est l’un des plus beaux espoirs du tennis masculin à travers le monde
Fougueux, combatif, charismatique, éloquent. Par ses coups et son sourire, Denis Shapovalov a séduit le stade Uniprix depuis le début de la semaine. Et parole d’expert, la planète en entier est en voie d’être conquise par l’étoile de 18 ans.
« Il a un gros gros gros potentiel. C’est dur de prédire exactement aussi tôt, mais on vise le top 10 pour Denis », sourit Louis Borfiga, vice-président au développement de l’élite de Tennis Canada.
« Ce qu’il fait à son âge, c’est d’autant plus impressionnant que la majorité des joueurs du circuit sont aujourd’hui beaucoup plus âgés », relève le mentor français, en référence aux Roger Federer et Rafael Nadal qui dominent encore, âgés de plus de 30 ans.
Shapovalov est né en Israël de parents russes. Son père Viktor est un homme d’affaires. Sa mère Tessa entraîne des joueurs de tennis. C’est avec elle que « Shapo » commence à échanger des balles. Il a alors 5 ans.
Le gaucher fait partie de ces fils d’immigrants qui forment en grande partie l’élite du tennis canadien. Comme Milos Raonic, ses parents ont quitté leur pays pour s’installer en Ontario. C’est là, et non au Centre d’entraînement de Montréal, que l’adolescent Shapovalov a peaufiné son jeu aux côtés de l’entraîneur Adriano Fuorivia.
Il a eu la chance de le joindre plus jeune, mais a préféré rester chez lui à Richmond Hill avec ses mentors de toujours. C’est depuis quelques mois seulement qu’il s’entraîne dans la métropole avec Martin Laurendeau.
COMBATIF ET… BOUILLANT
Le petit monde du tennis est déjà bien au fait de son énorme potentiel. Les grandes nations se méfient de la deuxième vague de la marée rouge canadienne, sur laquelle il surfe en compagnie de Félix Auger-Aliassime, Bianca Andreescu et Benjamin Sigouin.
Son palmarès comporte deux titres majeurs chez les juniors. L’an dernier, il a surpris Nick Kyrgios au premier tour à Toronto. L’Australien était alors 19e mondial. À 17 ans, l’exploit était énorme.
Depuis, il n’a fait que monter. Car malgré ces coups d’éclat sur les grands courts, il ne perd pas sa motivation sur les plus petites scènes, où il a remporté deux titres Challenger et quatre tournois Futures.
Son 143e rang le classe premier parmi les joueurs nés en 1999.
Tennis Canada le voyait percer le top 100 d’ici la fin de l’année. Finalement, il devrait atteindre au moins la 100e placelundi prochain.
« Il aime jouer sur les gros courts. C’est vraiment une grande qualité quand on veut être un professionnel, relève Borfiga. Il aime bien les grands moments, ce qui est bon signe aussi. Ce n’est pas facile de jouer contre [Juan Martin] Del Potro sur le central, mais lui il se régale. Ça, c’est vraiment le signe d’un champion. »
Et face à Rafael Nadal? « C’est certain qu’il aura du plaisir ce soir [hier] », confirmait l’homme de tennis le sourire en coin, quelques heures avant l’électrisante confrontation.
Mais ce tempérament combatif n’a pas que de bons côtés. En février, à la Coupe Davis, il se fâche et frappe une balle vers les gradins, comme le font souvent les joueurs. Celle-ci n’atteint pas sa cible, mais plutôt l’arbitre. Shapovalov est immédiatement disqualifié.
Pris de remords, il rédige plus tard des excuses pour ses fans. Il assure avoir depuis travaillé l’aspect mental de son jeu avec Laurendeau, lui-même un ancien joueur.
L’AUTRE PÉPITE
Au Québec, les prouesses d’Auger-Aliassime sont largement documentées.
Trop peut-être, diront certains dirigeants de Tennis Canada, anxieux que leur prodige soit « mangé par les requins » avant d’avoir atteint son plein potentiel.
Le tennis regorge de ces contes de fées qui se sont transformés en histoire d’horreur. Et Borfiga compte bien éviter que son autre pépite vienne ajouter des pages à ce recueil.
« On ne doit jamais oublier que ces joueurs sont encore très jeunes. L’un a 18 ans, l’autre [Auger-Aliassime] en a 17. Ils ont encore beaucoup de choses à apprendre et la route est encore longue », note-t-il.
Pour l’instant, Denis Shapovalov semble toutefois avoir emprunté l’autoroute plutôt que les chemins sinueux.