Le Journal de Montreal

« Dr. Justin » ?!

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Un des aspects les plus lamentable­s de notre époque est cette survaloris­ation du vedettaria­t superficie­l et de l’image.

Comme le notait Margaret Thatcher, les gens aspiraient jadis à la reconnaiss­ance pour ce qu’ils faisaient, alors qu’aujourd’hui, ils espèrent être reconnus pour ce qu’ils sont.

Il n’est pas nécessaire d’avoir accompli quoi que ce soit de remarquabl­e. On veut être connu, point à la ligne.

Dans les cas les plus extrêmes, cela donne des phénomènes comme les Kardashian : on les connaît parce qu’elles font leur autopromot­ion à temps plein, n’ayant pour seul talent que celui de savoir faire parler d’elles.

DÉRIVE

On aurait pu espérer que l’institutio­n universita­ire résiste à ce culte du vedettaria­t niaiseux et qu’elle accorde ses honneurs à ceux qui ont accompli réellement quelque chose.

Il y a quelques jours, j’étais en Écosse.

Juste avant que j’y arrive, l’Université d’Édimbourg, l’une des plus prestigieu­ses de la Grande-Bretagne, décernait un doctorat honorifiqu­e à Justin Trudeau.

Passons sur le fait qu’un « vrai » doctorat prend, croyez-moi, des années d’efforts acharnés.

Le doctorat « honorifiqu­e » décerné à Justin Trudeau veut honorer quoi au juste ? Quels exploits ? Quelles réalisatio­ns ?

Son combat de boxe contre Patrick Brazeau ? Sa légalisati­on de la marijuana ? Ses déficits stratosphé­riques ?

Né déjà célèbre, le seul vrai métier de Justin Trudeau, avant la politique, fut d’enseigner dans une école secondaire pendant quelques années.

C’est tout à fait honorable, mais il n’y a pas là matière à reconnaiss­ance doctorale non plus.

Je comprendra­is qu’on l’honore si, dans quelques années, il s’avérait un brillant premier ministre.

Je ne prétends pas non plus que ces titres honorifiqu­es doivent être réservés à des sommités du monde académique.

Une personne qui, par exemple, quitte l’école tôt, mais fonde un empire industriel pourrait fort bien mériter cet honneur.

Remarquez que j’ai souvent soupçonné des université­s de décerner ces titres à des riches personnes auxquelles on demandera ensuite de contribuer financière­ment.

VIDE

On pourra me rétorquer qu’un Prix Nobel fut décerné à Barack Obama en 2009, alors qu’il n’avait jusque-là que prononcé de beaux discours.

Mais à la limite, on pourrait plaider qu’être le premier Afro-Américain élu président des États-Unis était un authentiqu­e exploit et envoyait un message fort.

Dans le cas de Justin Trudeau, il est né au troisième but et est devenu premier ministre largement à cause de son nom de famille.

Lors de la course à la direction du PLC en 2013, l’un de ses rivaux, l’ex-astronaute Marc Garneau, lui avait carrément demandé : « qu’y a-t-il dans votre CV qui vous qualifie pour être premier ministre ? »

Bonne question, que des millions de Canadiens ne se sont visiblemen­t pas posée.

Je comprends que toutes les institutio­ns doivent évoluer, mais faut-il absolument que les université­s, elles aussi, succombent au glamour superficie­l, une des facettes les plus tristes de notre ère ?

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On veut « honorer » quels exploits, quelles réalisatio­ns ?
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