Le Journal de Montreal

La crise d’Oka (1990)

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L’année 1990 est agitée sur le plan politique. D’abord, on assiste à l’échec de l’accord du lac Meech, qui nous aurait permis d’avoir un statut spécial au sein du Canada, comme avancé par le premier ministre Brian Mulroney pour ramener le Québec dans l’honneur et la dignité dans le giron constituti­onnel…

À la veille de la Saint-Jean-Baptiste, Robert Bourassa rappelle alors au reste du Canada et aux Québécois eux-mêmes qu’ils restent libres de leur destin… Deux semaines plus tard, le 11 juillet, la crise d’Oka éclate lorsque la Sûreté du Québec tente de forcer un barrage érigé par les Mohawks à Kanesatake et qu’un de ses hommes est abattu par un Warrior sans que l’on arrête le coupable. L’armée canadienne intervient ensuite… Le siège sera levé au bout de 78 jours. Résultat de cette crise, nombre de Blancs ne pourront plus occuper leur maison à Oka et des dizaines de milliers d’autres ne pourront pas utiliser le pont Mercier, qui est bloqué par des Warriors, de Kahnawake cette fois.

Au moment où la crise d’Oka a éclaté, j’étais en vacances en Belgique… et c’est donc sur les écrans de télévision d’Europe que je l’ai vue. Les Belges nous reprochaie­nt de malmener nos « Indiens ». Quelques jours plus tard, quand des chefs amérindien­s ont revendiqué tout le territoire allant de Valleyfiel­d à Sept-Îles, j’ai été abasourdi d’entendre des animateurs de radio ignares acquiescer à cette bêtise, tout en nous rappelant qu’après tout, nous devions aux Amérindien­s de belles inventions telles que la traîne sauvage, les mocassins et le sirop d’érable.

VISION

Il n’en fallait pas plus pour que, au micro de CJMS, je prenne fermement position en faveur des infortunés. La plupart des animateurs jouaient la corde de la neutralité. Dans l’univers médiatique, seul l’écrivain Claude Jasmin se rangeait à mes côtés… C’était la première fois que la caste médiatique, moutonnièr­e et dogmatique, rejetait à ce point tout esprit critique. Elle voyait, en quelque sorte, dans ces Warriors mafieux et surarmés qui terrorisai­ent leur propre population pour la dominer… de bons sauvages à la Jean-Jacques Rousseau ! Robert Bourassa, désespéré, m’appela à deux reprises pour que je lui expose ma vision de la situation, qui était terribleme­nt minoritair­e chez les journalist­es. Bref, je voyais dans cette crise un événement alimenté par une bande de voyous, aux dépens de leur propre communauté, dont ils terrorisai­ent les modérés. Je voyais bien aussi que cette « crise » se voulait une tentative de rappel à l’ordre du reste du Canada à l’endroit du Québec. Je recevais par la poste des excréments et des balles de fusil…

Cette crise m’a incité à promouvoir constammen­t l’histoire et la mémoire, pendant mes émissions. À la surprise générale, par deux fois, mon livre Nouvelle-France – ce qu’on aurait dû vous enseigner, publié d’abord en 1992, puis réédité en 2015, s’est avéré un succès de librairie ! Comme quoi l’aspiration à entretenir la mémoire est peut-être plus courante qu’on ne le croit. Ironiqueme­nt, mon intérêt pour l’histoire m’a beaucoup rapproché de plusieurs communauté­s amérindien­nes, chez lesquelles je me rends souvent pour m’entretenir avec elles du passé, de ce qu’il en reste, de ce qui a été oublié… et de ce que l’on voudrait nous faire oublier !

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 ??  ?? 1. La Crise d’Oka oppose les Mohawks aux autorités politiques québécoise­s, mais exaspère aussi les tensions linguistiq­ues. L’Ouest canadien, qui s’est bâti en chassant les métis et qui a des hordes de clochards d’origine autochtone­s, se permet alors de...
1. La Crise d’Oka oppose les Mohawks aux autorités politiques québécoise­s, mais exaspère aussi les tensions linguistiq­ues. L’Ouest canadien, qui s’est bâti en chassant les métis et qui a des hordes de clochards d’origine autochtone­s, se permet alors de...
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