Le récit poignant d’une survivante
Elizabeth Laplante brise le silence sur le meurtre de sa mère et l’ultime face-à-face avec son père suspect
« J’aurais aimé qu’il se mette à pleurer devant moi et qu’il me dise ce qu’il a fait à ma mère. Je voulais avoir des aveux de mon père. »
Après un long silence, Elizabeth Laplante a accepté de relater au Journal comment elle a vécu l’un des drames familiaux les plus médiatisés de la province : la disparition de sa mère Diane Grégoire, en 2008, ainsi que l’arrestation de son père, qui s’est enlevé la vie quatre ans plus tard alors qu’il venait d’être accusé du meurtre.
La jeune journaliste a notamment expliqué qu’elle portait un dispositif d’enregistrement de type body pack, dissimulé sur elle par la Sûreté du Québec, lors de sa dernière conversation avec Paul Laplante, en novembre 2011.
ULTIME CONFRONTATION
« J’ai vu ça comme une opportunité de confronter mon père pour une ultime fois. Je lui ai demandé directement : “Papa, estce que tu as tué maman ?” », a-t-elle confié en début de semaine dans sa première entrevue sur cette sombre affaire.
Le camionneur de 54 ans, qui l’avait accueillie dans son nouvel appartement de Montréal en versant des larmes, a nié « très fermement », se souvient-elle.
L’ex-maire de Saint-Liboire, en Montérégie, était offusqué que sa fille ose lui poser cette question, quelques jours après la découverte des ossements de Diane Grégoire en bordure d’une route, soit 46 mois après que Paul Laplante eut signalé sa disparition aux policiers de Longueuil, le 31 janvier 2008.
« À ce moment, je regardais cet hommelà que j’avais tellement respecté, qui avait toujours eu réponse à tout… Et il me faisait pitié. Je lui ai dit que je ne le croyais pas et que je n’avais plus confiance en lui. Et je suis partie », s’est-elle remémoré sans broncher.
LE JOUR ET LA NUIT
Son père l’a alors suivie dehors « en criant de plus jamais revenir sans s’annoncer ».
« C’était rendu quelqu’un d’autre que le père que j’avais connu, a-t-elle poursuivi. Il était méfiant, comme s’il avait compris ce que j’étais venue faire chez lui. C’était quelqu’un de méfiant en général dans la vie. »
Dans les heures et les jours qui avaient suivi la disparition de sa mère, Elizabeth Laplante était toutefois convaincue que son père n’avait rien à voir là-dedans.
« Dans ma tête, il n’y avait aucune chance que ce soit mon père. Mon sentiment, c’était que je devais même le protéger, parce que je sentais que la première personne que les policiers soupçonneraient, ce serait lui. Je ne voulais pas leur donner de renseignements qui auraient pu le trahir », a confié la journaliste de TVA, qui avait alors 19 ans.
Ça lui a pris « quelques mois » avant de retourner voir les enquêteurs sans le dire à son père pour leur transmettre des informations pertinentes.
PROBLÈMES DE COUPLE
Ainsi, Diane Grégoire avait déjà confié à sa fille qu’elle et son mari éprouvaient des problèmes conjugaux.
« Elle m’a exprimé qu’elle n’était plus certaine de sa relation avec mon père, que ça n’allait pas bien pour elle, a précisé Elizabeth Laplante. Je n’avais jamais soupçonné cela. Ma mère n’était pas une plaignarde. Son plus grand rêve, c’était d’avoir une famille et des enfants. Pour qu’elle m’en parle, elle devait être rendue au fond du baril. »
De plus, une petite phrase que Paul Laplante aurait dite à sa fille le jour de la disparition de Mme Grégoire a de quoi laisser perplexe. À l’époque, Elizabeth Laplante étudiait en journalisme au cégep de Jonquière. Quand il lui a annoncé la nouvelle au téléphone peu après avoir demandé l’aide de la police, elle insistait pour rentrer à la maison, à Saint-Hyacinthe.
« Mais il ne voulait pas en prétextant le mauvais temps. Il disait : “On en a déjà perdu deux, on n’en perdra pas une troisième.” Par deux, il voulait parler de mon petit frère Gregory qui s’était suicidé un an plus tôt et de ma mère », a-t-elle expliqué.
Paul Laplante a été arrêté le 13 décembre 2011. Quand le suspect du meurtre de ta mère est ton propre père, il n’y a pas de soulagement possible.
« Mon frère Francis et moi, on ressentait surtout de l’incompréhension, même si on s’était préparés à ce jour-là. Juste de s’imaginer que notre mère a été victime d’un acte criminel, c’est difficile. De s’imaginer en plus que c’est ton père qui a commis l’irréparable… Ç’a pris du temps à accepter. »