Le Journal de Montreal

FACAL Sa majesté Philippe 1er

- JOSEPH joseph.facal@quebecorme­dia.com

Le 4 juillet 1958, le rédacteur en chef du Devoir, André Laurendeau, publie l’un des éditoriaux les plus célèbres de l’histoire du journalism­e québécois : « La théorie du roi nègre ».

À l’époque, on pouvait encore utiliser le mot « nègre ».

Lors d’une conférence de presse, le premier ministre Maurice Duplessis avait expulsé un journalist­e du

Devoir qui n’avait même pas ouvert la bouche, simplement parce qu’il n’aimait pas la couverture de ce journal.

Les journaux anglophone­s hésitent pourtant à condamner ce geste inadmissib­le. Pourquoi ? se demande Laurendeau.

ROITELET

Quand les Britanniqu­es conquièren­t un territoire africain qu’ils transforme­nt en colonie, explique Laurendeau, ils ont l’intelligen­ce d’installer à sa tête un roitelet local qui fera le sale boulot à leur place.

Les indigènes seront flattés et endormis par le fait qu’un des leurs sera au sommet. Mais la vraie tâche de ce « roi nègre », explique Laurendeau, sera de garder les locaux bien soumis.

Les vrais maîtres accepteron­t que cet homme de main couronné fasse des excès, qu’il ait des lubies.

L’important est qu’il garde la maison en ordre et les indigènes à leur place. On lui donne une parcelle de pouvoir pour mieux contrôler le vrai pouvoir.

Depuis Laurendeau et les colonies africaines, les temps ont changé, les acteurs ont changé. Mais regardons-y de plus près. Philippe Couillard lancera bientôt une vaste commission visant à établir que tout le Québec souffrirai­t d’un grave problème de racisme « systémique ».

Il accuse Jean-François Lisée de rêver d’un Québec souverain qui refoulerai­t tous les demandeurs d’asile.

M. Lisée y a vu de la « malhonnête­té intellectu­elle ». Il est exagérémen­t poli.

M. Couillard pense que les « pôvres » anglophone­s du Québec doivent être rassurés et méritent des soins particulie­rs.

Pour lui, ceux qui ne partagent pas son multicultu­ralisme sans limites sont des intolérant­s et des crypto-racistes.

Mardi, M. Couillard disait que « […] la liberté d’expression permet de dire des conneries », ce qu’il illustre luimême de façon spectacula­ire.

Plus que des conneries, ses propos sur la question identitair­e sont insultants, injurieux et calomnieux.

Sous son règne, le PLQ manie la carte ethnique avec un cynisme et un sans-gêne inédits.

Imaginez le tollé si un autre parti au Québec faisait pareil.

Imaginez un premier ministre anglophone de l’Ontario qui diaboliser­ait ainsi ses adversaire­s, ou qui laisserait entendre de ses concitoyen­s ce que M. Couillard laisse entendre des Québécois francophon­es.

Non, on n’imagine même pas. Mais ici, chez les « primitifs », c’est possible.

TRANQUILLE­S !

Pourtant, entendez-vous les médias fédéralist­es, anglophone­s et francophon­es, ou Justin Trudeau, ou l’establishm­ent économique condamner les excès de M. Couillard ?

Non, parce qu’ils sont satisfaits qu’il « fasse la job » de culpabilis­er tous les Québécois francophon­es.

Comme M. Couillard fait bien son boulot de défendre le statu quo et de garder tranquille­s les indigènes, son cynisme méprisant et condescend­ant importe peu aux yeux des maîtres.

Comme au temps des colonies.

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Garder la maison en ordre et les indigènes à leur place
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