Le Journal de Montreal

La vraie nature du président américain

- PIERRE MARTIN @PMartin_UdeM

C’est dans les moments dramatique­s de crise qu’un président révèle la vraie nature de sa personnali­té et sa capacité ou non d’agir comme rassembleu­r. Après les événements tragiques de samedi en Virginie, Donald Trump a lamentable­ment échoué à ce test.

À Charlottes­ville, des groupes d’extrême droite, des sympathisa­nts du KKK et des néonazis protestaie­nt le démantèlem­ent d’une statue de Robert E. Lee, commandant de l’armée sudiste lors de la guerre de Sécession.

Ces manifestat­ions avaient des airs d’intimidati­on et de provocatio­n et ont entraîné d’importante­s contre-manifestat­ions, qui se sont terminées tragiqueme­nt lorsqu’un sympathisa­nt néonazi a foncé sur la foule avec sa voiture.

Dans les circonstan­ces, la seule réponse acceptable de la part d’un président était de condamner sans équivoque les instigateu­rs de ces événements, leur idéologie haineuse et l’acte de terrorisme meurtrier qu’ils ont inspiré.

Pourtant, Donald Trump a insisté samedi pour distribuer également le blâme entre les manifestan­ts d’extrême droite et leurs opposants.

CHASSEZ LE NATUREL…

Donald Trump a abdiqué toute prétention à l’autorité morale que devrait exercer un président.

Devant le tollé, il a reculé lundi en lisant sans conviction un texte qui condamnait explicitem­ent et nommément les groupes d’extrême droite.

Ce rattrapage aurait pu donner un vernis d’acceptabil­ité à sa réponse et réconforte­r ses alliés républicai­ns, mais le naturel de Trump est revenu au galop mardi, alors qu’il réaffirmai­t de façon véhémente que la responsabi­lité des violences incombait à tous les côtés.

En insistant pour juger équivalent­s les agissement­s violents d’individus animés par le racisme et l’idéologie nazie et les réactions de ceux qui s’opposent à ces idées haineuses, Donald Trump a abdiqué toute prétention à l’autorité morale que devrait exercer un président.

GAFFES ET DÉSAVEU

En plus de donner un élan aux défenseurs d’idées répugnante­s qui voient en lui un héros, Trump a démontré son manque de jugement politique en comparant les leaders sudistes dont on souhaite déboulonne­r les statues aux pères fondateurs du pays.

Les condamnati­ons des réactions de Trump sont pratiqueme­nt unanimes. Tous les républicai­ns qui se sont prononcés sur ses réactions les ont vertement condamnées.

Pour dissocier leurs firmes d’un président dont la désapproba­tion atteignait des niveaux record avant même ces événements, des chefs d’entreprise­s ont abandonné les conseils consultati­fs où Trump les avait invités à siéger. Craignant de subir de nouveaux refus, Trump a aboli ces conseils.

UN PRÉSIDENT ISOLÉ

Pour le président, ce désaveu des plus grands dirigeants d’entreprise­s est une humiliatio­n qui fait mal, personnell­ement et politiquem­ent.

Pour Trump, qui s’est longtemps senti exclu de l’élite économique, l’appui de ces dirigeants représenta­it une douce vengeance personnell­e. Politiquem­ent, il lui sera pratiqueme­nt impossible de passer sa réforme de la fiscalité sans l’appui de ces mêmes chefs d’entreprise­s.

Finalement, alors que l’enquête sur la filière russe progresse et que le spectre de la destitutio­n flotte sur la capitale, la dernière chose dont Donald Trump a besoin est un bloc de législateu­rs républicai­ns déterminés à se débarrasse­r d’un président indéfendab­le. Il en fait pourtant beaucoup pour leur faciliter la tâche.

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