Faut-il tordre le cou de Corus ?
Si j’étais Mélanie Joly, la ministre du Patrimoine, je tordrais le cou de Corus. Tout de suite après le renouvellement des licences de Séries+ et Historia, le groupe dont le siège social est à Toronto a mis la hache dans trois projets de séries francophones. Une décision intempestive qui a mis le feu aux poudres « coast to coast ».
Non seulement les Québécois ont lancé les hauts cris, le ministre des Affaires culturelles Luc Fortin en tête, mais tous les Anglos ont aussi emboîté le pas. Une chance que JeanPierre Blais a terminé son mandat à la présidence du CRTC, car je ne me souviens pas d’une pareille levée de boucliers. La pauvre Mélanie Joly a reçu 89 requêtes de syndicats et d’associations sans compter les pétitions de milliers de personnes.
À en croire le tollé, notre télévision, qu’elle soit anglophone ou francophone, vit ses dernières heures. Dans les médias, on continue de faire écho aux appels de détresse, presque toujours sans avoir étudié ou même lu les décisions du CRTC. Il faut avoir entendu, hier matin, au 98,5, Paul Arcand, Régine Laurent et Mario Dumont discuter de la question pour constater à quel point elle n’est pas comprise.
LA MORT N’EST PAS POUR DEMAIN
Pour l’instant et pour plusieurs années encore, le contenu francophone est loin d’être à l’agonie sur les chaînes qui comptent. Si Corus ne revient pas à de meilleures intentions quant aux émissions originales en français, Séries+ et Historia devront faire leur deuil d’un grand nombre d’abonnés. Le contexte est trop concurrentiel pour que Bell Média, TVA et même V cessent de consacrer une grande partie de leurs budgets à des productions originales.
S’il faut se fier aux exigences du CRTC et aux chiffres publiés en mai, TVA, Bell, Corus et V devront d’ici à 2021 dépenser 23 millions $ de plus en contenu original que durant les cinq dernières années. Une augmentation qui ne suffira pas, toutefois, à compenser la hausse des coûts de production.
Pour que la production de contenu original se maintienne aux niveaux actuels, on devra compter davantage sur les ventes à l’étranger plutôt que sur l’augmentation des licences que paient les diffuseurs aux producteurs.
L’avenir étant à l’écoute en continu et à la vidéo à la demande, les diffuseurs traditionnels ne peuvent espérer une augmentation de leurs revenus publicitaires. C’est d’ailleurs pour cette raison que le CRTC a réduit certaines de ses exigences et donné plus de marge de manoeuvre entre les chaînes d’un même groupe.
UNE POLITIQUE GLOBALE IMMINENTE
Quoi qu’il en soit, la ministre Joly ne pouvait faire la sourde oreille à des appels aussi pressants. Surtout qu’elle est à la veille d’annoncer une politique globale qui pourrait bien décevoir ceux-là mêmes qui s’en prennent aux décisions du CRTC.
Il y a peu de chances pour que le CRTC revoie ses décisions d’ici là. Ian Scott, le nouveau président, n’entre en fonction que le 5 septembre, mais il ne sera pas « fonctionnel » du jour au lendemain. De toute manière, les cas où le CRTC a changé d’avis après un appel d’Ottawa se comptent sur les doigts d’une seule main.
Si je faisais partie de ceux qui ont réclamé que le CRTC refasse ses devoirs, je ne me réjouirais pas trop vite…
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
Il y aura bientôt des avions sans pilote ; rien de surprenant, il n’y a pas de pilote non plus à la Maison-Blanche.