Le Journal de Montreal

Pas de « camp », pas de « crise »

- BORIS PROULX

OTTAWA | Malgré les mesures d’accueil exceptionn­elles de 7000 demandeurs d’asile en six semaines, le gouverneme­nt Trudeau refuse d’utiliser le mot « crise » afin de rassurer la population, croient des experts.

« Il n’y a pas de crise ici, c’est une situation hors de l’ordinaire qui est extrêmemen­t bien gérée », a répété encore hier matin le ministre des Transports Marc Garneau, de passage à Saint-Bernard-de-Lacolle.

Depuis deux semaines, tous les représenta­nts du gouverneme­nt ont évité ce mot, sous l’argument que le Canada a déjà vu l’arrivée de plus de demandeurs d’asile par le passé.

NÉGATIF

« Les mots ne sont jamais neutres, et le mot crise est toujours négatif », analyse la linguiste Anne-Marie Beaudoin-Bégin. L’auteure et chargée de cours à l’Université Laval mentionne que ce concept rappelle des événements traumatiqu­es de l’histoire du Québec, comme la crise d’Oka ou la crise du verglas.

Le spécialist­e en communicat­ion politique Louis Aucoin comprend qu’on veuille éviter toute comparaiso­n avec ces événements, même si les actions extraordin­aires du gouverneme­nt peuvent donner l’image d’une gestion de crise. « Tout ce que ça prend dans une crise, comme la CroixRouge, l’armée, les tentes, le stade olympique, on l’a », énumère-t-il.

« HÉBERGEMEN­T TEMPORAIRE »

Les porte-parole du gouverneme­nt demandent aussi d’utiliser l’expression « hébergemen­t temporaire » et corrigent les journalist­es qui qualifient de « camp » l’endroit où plus de 1000 personnes dorment sous des tentes à Saint-Bernard-de-Lacolle.

Les experts en communicat­ion ont noté à quel point le vocabulair­e choisi est chargé de sens. Par exemple, l’usage du mot « demandeur d’asile » est préféré à « migrant » par Ottawa et Québec puisqu’il qualifie mieux la raison de la traversée de la frontière.

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