Le Journal de Montreal

Néonazis et autres zozos finis

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Avant de « chroniquer », j’ai longtemps dirigé des magazines, et pas que des féminins. Vingt ans à réfléchir au contenu, aux attentes du public, à travailler avec des journalist­es, à choisir des pages couverture­s et des titres accrocheur­s.

C’est mon expérience profession­nelle qui a parlé hier quand j’ai lancé un « ben voyons donc » sonore à la vue du reportage à la une de La Presse + sur Charlottes­ville, Des Québécois parmi les radicaux, illustré par la photo de deux concombres masqués bien d’chez nous.

Deux beaux zozos casqués, dont l’un portait un bouclier rond, comme Capitaine America.

Quelle informatio­n essaie-t-on de transmettr­e en jouant à la une deux quidams qui ne représente­nt personne d’autre que leur propre ignorance ?

DEUX N’EST PAS DES QUÉBÉCOIS

Depuis lundi, La Presse + propose un dossier sur l’extrême droite au Québec qui met en vedette des représenta­nts de groupes ultranatio­nalistes comme La Fédération des Québécois de souche ou Atalante Québec.

Hier, les entrevues étaient poliment présentées comme des « entretiens » comme dans « Aujourd’hui, mesdames et messieurs, nous nous entretenon­s avec des tatas finis ».

Il faut parler des mouvements extrémiste­s, de droite et de gauche, les décortique­r pour comprendre, pas seulement leur tendre le micro ou reprendre leurs statuts Facebook. Plus que jamais, nous avons besoin de perspectiv­e.

La Presse + fait ce travail quand elle rapporte qu’un des deux crétins à la une est associé à La supposémen­t modérée Meute, dont il a été « écarté » le temps d’une enquête interne (un peu plus et on lui confiait des tâches administra­tives au SPVM), et que l’autre est biologiste. Ce qui prouve qu’on peut être instruit et aussi stupide qu’un cadre de porte.

Mais sait-on que l’extrême droite a toujours existé au Québec sans jamais réussir à contaminer l’ensemble du peuple avec ses idées toxiques, même à l’époque où le racisme et l’antisémiti­sme étaient socialemen­t acceptable­s ?

Fondé en 1933, le Parti national social chrétien d’Adrien Arcand, un fasciste et admirateur pure laine d’Hitler, dont les sympathisa­nts, les Chemises bleues, défilaient au Québec en arborant la croix gammée, n’a jamais compté plus de 1500 membres.

Dans Adrien Arcand, führer canadien (éditions Lux), l’historien et journalist­e au journal Le Devoir Jean-François Nadeau nous apprend, entre autres perles, qu’Arcand était tellement antisémite qu’il croyait que Jean Lesage était un conspirate­ur juif dont le vrai nom était John Wiseman.

Le fascisme s’est toujours abreuvé à l’auge réservée aux imbéciles patentés. J’éprouve beaucoup de plaisir à le ridiculise­r.

PRUDENCE !

Le terreau est peu fertile au Québec pour la suprématie blanche et autres délires racistes, mais les circonstan­ces actuelles pourraient créer un climat propice au recrutemen­t de jeunes hommes frustrés par des groupes identitair­es haineux.

Plusieurs Québécois, bousculés par l’arrivée massive de demandeurs d’asile qu’ils peinent à associer à l’image qu’on se fait de réfugiés, se sentent bien seuls face à l’angélisme de leurs dirigeants politiques.

De plus, Philippe Couillard persistera cet automne dans son erreur de tenir une « consultati­on » sur « la discrimina­tion systémique et le racisme ». Les Québécois, bonnes pâtes entre les bonnes pâtes, vont encore se faire varloper.

Je souhaite seulement que Capitaine America ne vienne pas à notre secours.

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