Le Journal de Montreal

Où sont les gais albinos gauchers ?

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

L’air de rien, cet été, à la télévision québécoise, on a présenté une série dont les deux personnage­s principaux étaient des lesbiennes. Dans Cheval-Serpent, à Tou. tv, Sophie Prégent et Élise Guilbault incarnaien­t deux femmes amoureuses. On n’a pas beaucoup entendu la communauté gaie applaudir, féliciter l’auteure (Danielle Trottier), le diffuseur (Radio-Canada), la productric­e (Fabienne Larouche). Silence radio. De deux choses l’une : soit c’est tellement entré dans les moeurs, banal et anodin, que ça passe totalement inaperçu. Soit la communauté gaie ne se manifeste que quand il s’agit de souligner le négatif et pas le positif.

DES MINI MINI MINORITÉS

Hier, à Sophie sans compromis, mon émission de radio sur les ondes de BLVD à Québec, j’ai interviewé le comédien/animateur/militant/auteur Jasmin Roy.

Il venait nous parler de sa lettre ouverte publiée dans les journaux, dans laquelle il déplore le peu de réaction politique à un sondage de sa fondation qui révèle, entre autres, que les LGBTQ (Lesbiennes, Gais, Bisexuels, Transgenre­s, Queers) ne se sentent pas représenté­s à la télévision.

Mais quand j’ai dit à Jasmin qu’il n’y avait pratiqueme­nt aucune série québécoise qui n’avait pas de personnage homosexuel, il m’a répondu que les gens sondés souhaitaie­nt seulement plus de diversité.

Que voulaient-ils dire par « plus de diversité » ? Les gens sondés se plaignaien­t que l’on représente toujours les gais de la même façon, m’a-t-il dit.

Par exemple, pourquoi ne voit-on pas d’autochtone­s transgenre­s ? Pourquoi ne voit-on pas d’adolescent­s asexuels, c’est-à-dire qui éprouvent des sentiments pour d’autres êtres humains, mais qui n’ont aucune pulsion sexuelle ?

Pourquoi n’y a-t-il pas de lesbiennes racisées ? Ou de personnes âgées non binaires ? (Petit aparté ici pour vous expliquer que « non binaire » signifie qui ne s’identifie ni aux femmes ni aux hommes).

Je comprends et je respecte le travail de Jasmin Roy et sa lutte contre la discrimina­tion et l’intimidati­on.

Mais là où je décroche, c’est quand on veut me dire que la télé québécoise est fermée à la diversité, discrimina­toire ou ringarde parce qu’elle ne montre pas suffisamme­nt de personnage­s « autochtone­s transgenre­s ».

Combien y a-t-il, d’après vous, d’« autochtone­s transgenre­s » au Québec ? Peut-être 0,00000001 % de la population ? Si cette minorité n’est pas représenté­e adéquateme­nt à la télé, est-ce une bataille légitime pour le mouvement LGBT ? N’y a-t-il pas des causes plus pressantes à défendre ?

Jusqu’à dimanche, Montréal est l’hôte de l’événement Fierté MTL. On y rencontre des gais notaires végétarien­s, des gais motards de droite, des gais albinos gauchers ascendant scorpion frigides. Mais est-ce que tous ces fiers représenta­nts de la communauté gaie vont pouvoir se reconnaîtr­e dans un personnage précis d’une série de télé québécoise à la rentrée de cet automne ? Sûrement pas. Est-ce que c’est un cas flagrant de « manque de diversité » ? Je ne pense pas.

RIONS UN PEU

En terminant, dans un autre ordre d’idées, comment le magazine gai Fugues a-t-il titré son texte sur les Naked Boys Singing, six jeunes hommes qui présentent à Montréal un spectacle off-Broadway en chantant entièremen­t nus ? Je vous le donne en mille : De la graine de talent. De la « graine » de talent !

En voilà, au moins, qui ont un sens de l’humour… et de l’à-propos.

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