Un thriller religieux signé Mylène Gilbert-Dumas
Il y a déjà un moment que la religion et ses mystères servent de toile de fond à des
thrillers au succès international retentissant. La mémoire du
temps ne connaîtra pas une telle distribution, mais ce roman québécois tient sans peine la comparaison.
Mylène Gilbert-Dumas a seize romans des plus variés à son actif, mais jamais encore elle n’avait tâté le style du suspense. On a peine à le croire tant, avec ce 17e livre, elle démontre non seulement sa maîtrise du genre, mais son originalité. Son roman La mémoire du
temps est tout simplement captivant.
UNE HISTOIRE EN DEUX TEMPS
L’histoire se déroule en deux temps, qui se déploient en parallèle. On est d’un côté en 1980, à suivre Nicolas Gustave, professeur d’histoire spécialisé dans les débuts du christianisme. Il tirera de ses travaux une thèse si audacieuse qu’il est suspendu de son université. Il en profitera pour se rendre en Égypte, où il sera appelé à participer à des fouilles archéologiques.
D’autre part, nous retrouvons nos temps contemporains pour suivre deux personnages.
Il y a d’abord Virginie Constantineau, romancière passionnée de livres anciens à qui un bouquiniste ami, l’Abénaquis Régis Obomsawin, confie un curieux papyrus. Le document non seulement semble sortir de la nuit des temps, mais Virginie constate rapidement qu’il porte malheur à ceux qui connaissent son existence. La voilà elle-même prise dans l’engrenage, qui la tire de sa tranquille routine.
L’autre personnage c’est Bill, conseiller auprès du Parti canadien, ultraconservateur, qui depuis peu forme un gouvernement minoritaire à Ottawa, avec l’intention affichée de recriminaliser l’avortement. Lui aussi est en quête du mystérieux papyrus.
Chaque personnage a droit, à tour de rôle, à un chapitre à son nom, mais il faut toute une expérience de romancière pour que sous cette sage forme se développe un scénario rempli de rebondissements qui nous tient en haleine. Or, on suit tout ce monde-là sans peine.
CONTENU PASSIONNANT
Mais ce livre n’est pas qu’un suspense bien maîtrisé : son contenu le rend passionnant. À sa manière habituelle, Mylène Gilbert-Dumas s’est assuré de la véracité des faits, grands et petits, auxquels elle fait allusion. Elle s’en explique d’ailleurs à la fin de l’ouvrage, comme elle l’a aussi détaillé en entrevue.
Son roman a pour fondement la gnose, considérée comme hérétique quand le christianisme s’est peu à peu figé dans des Évangiles devenus textes officiels de l’Église. Tout ce qu’elle rapporte à ce sujet s’appuie sur des références réelles, passionnantes à découvrir. Il en va de même pour les informations sur la droite religieuse qui cherche à investir le champ politique au Canada, phénomène lui aussi méconnu. Quand le réel est aussi bien exploité, quand des personnages sont si bien décrits qu’on a du mal à ne pas leur prêter vie, quand le mystère est dosé avec autant de réalisme, le résultat est net : ce roman est impossible à lâcher.