Le Journal de Montreal

Un ex-fonctionna­ire dort dans sa voiture

Le Montréalai­s a subi une série de revers, mais le système Phénix a été la goutte qui a fait déborder le vase

- MATTHIEU PAYEN

Un ex-fonctionna­ire du fédéral dort dans son auto après avoir été victime du cafouillag­e du système de paie Phénix qui l’empêche de toucher son indemnité de chômage, dénonce-t-il.

Patrick Legault a une carrière de 20 ans dans l’informatiq­ue derrière lui. Il a dû quitter plusieurs emplois en raison de sa dépression, mais c’est à la suite de sa dernière expérience profession­nelle qu’il s’est retrouvé sans toit.

En avril dernier, alors qu’il travaillai­t depuis un an pour Service Canada, à Montréal, son contrat n’a pas été prolongé. Une situation qu’il comprend puisqu’il a souvent été en arrêt maladie.

Le problème, c’est qu’il n’a jamais obtenu son avis de cessation d’emploi nécessaire pour toucher son indemnité de chômage, raconte-t-il.

IRONIQUE

« Ce qui fait bizarre, c’est qu’au fédéral je m’occupais de la paie des gens au chômage », dit-il.

M. Legault vivait depuis janvier au Centre Booth de l’Armée du Salut. Il était alors encore à l’emploi du fédéral, mais le centre d’accueil lui avait été recommandé après une thérapie contre ses problèmes d’alcool à l’Hôpital Saint-Luc.

« L’Armée du Salut, c’est parfait pour ça. Si tu sens l’alcool ou si tu as de la drogue sur toi, tu n’entres pas », explique l’homme de 42 ans.

Les premiers mois, M. Legault payait 720 $ par mois pour sa chambre. Il pouvait payer son loyer sans problème, ainsi que les repas en sus, puisque son salaire net du fédéral était de 2500 $ par mois.

FIN DE CONTRAT

Mais lorsque son contrat a pris fin, il s’est retrouvé sans revenu et il a dû trouver des arrangemen­ts avec l’Armée du Salut pour garder son toit.

« J’ai pris dans mes économies et je faisais 30 heures de bénévolat chaque mois au Centre Booth pour faire baisser la facture », dit-il.

Pendant ce temps-là, il a multiplié les démarches pour récupérer le précieux avis qui lui donnait droit au chômage.

« J’ai fait plusieurs demandes à mon ancienne directrice à Service Canada, mais impossible de débloquer le système. Avec Phénix, mon dossier était jammé », poursuit M. Legault.

Pourtant, le système de paie ne lui a pas toujours été défavorabl­e, comme il le reconnaît lui-même. Durant son arrêt maladie cet hiver, il touchait son plein salaire et non les assurances.

« Je peux dire que j’ai été chanceux, certains n’ont pas été payés pendant plusieurs mois », dit-il.

« CE QUI FAIT BIZARRE, C’EST QU’AU FÉDÉRAL JE M’OCCUPAIS DE LA PAIE DES GENS AU CHÔMAGE. » – Patrick Legault, ex-fonctionna­ire

M. Legault a finalement dû se résoudre à toucher l’aide sociale, un chèque de 628 $ par mois qui ne lui a pas permis de garder sa place au Centre Booth.

Début juillet, il a reçu un avis lui demandant de quitter les lieux dans les deux jours.

« Je n’en revenais pas, c’est terrible, je pensais que l’Armée du Salut m’aiderait durant cette mauvaise passe », dit-il, amer.

Interrogé sur ce cas, l’organisme s’est dit surpris puisqu’il y a présenteme­nt un moratoire sur les expulsions des logements. Une enquête a été ouverte pour vérifier.

MAISON DE FORTUNE

Quoi qu’il en soit, M. Legault s’est retrouvé à la rue. Seule consolatio­n, il a pu s’acheter une Toyota Tercel 1997 avec ses dernières économies. « Son meilleur achat », selon lui.

Cette nouvelle maison de fortune lui permet de se déplacer et ainsi espérer se relancer en parcourant la ville pour ramasser les déchets de chantier.

Pour lui, plus question de travailler dans l’informatiq­ue : « C’est trop de stress et les systèmes actuels sont presque impossible­s à contourner quand ils ne fonctionne­nt plus. » Il en sait quelque chose.

Interrogé, le ministère responsabl­e de Phénix, Services publics et Approvisio­nnement Canada, a répondu qu’il ne commentait pas les cas précis par « respect de la vie privée ».

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PHOTO MATTHIEU PAYEN Le Montréalai­s Patrick Legault vit dorénavant dans sa voiture, une Toyota Tercel 1997. L’ex-fonctionna­ire devenu sans-abri assure qu’il s’agit de « son meilleur achat ».

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