Le Journal de Montreal

La guerre contre la drogue est un véritable spectacle

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MANILLE | (AFP) Les douze coups de minuit ont sonné et les opérations antidrogue à grand spectacle orchestrée­s par le président philippin, Rodrigo Duterte, battent leur plein. Les policiers abattent une « personnali­té de la drogue », une de plus.

La victime est extirpée du bidonville de Manille, où elle a été tuée et transporté­e jusqu’aux pompes funèbres. Le jeune homme rejoint d’autres cadavres criblés de balles qui gisent sur des tables ou sur le sol ensanglant­é.

Chaque mort arbore un numéro en chiffres romains inscrit au marqueur sur le bras ou la jambe, car il ne faut pas que les employés des pompes funèbres se perdent dans le défilé de cadavres qui transitent chaque nuit. L’un d’entre eux porte le numéro VI.

Cette vision macabre qui s’offre aux regards aux petites heures vendredi a été orchestrée à l’intention du président de l’archipel. En campagne l’année dernière, il avait conseillé aux électeurs d’ouvrir des entreprise­s de pompes funèbres pour faire des bénéfices.

« Les pompes funèbres vont être pleines à craquer », avait-il promis. « Je fournirai les corps ». Ces déclaratio­ns avaient été applaudies par des Philippins lassés de la criminalit­é et séduits par son charisme d’homme du peuple.

C’est dans un fauteuil que M. Duterte avait remporté la présidenti­elle, après une campagne sécuritair­e outrancièr­e. Il s’était engagé à éradiquer le trafic de drogue dans les six mois au moyen d’une campagne dans laquelle des dizaines de milliers de trafiquant­s et de toxicomane­s présumés seraient abattus.

En 14 mois, la police a confirmé avoir abattu plus de 3500 personnes qualifiées officielle­ment de « personnali­tés de la drogue ».

MILICIENS

Des inconnus ont tué au moins 2000 suspects, selon les chiffres de la police. Selon les défenseurs des droits, ces meurtres sont le fait de miliciens ou de policiers agissant officieuse­ment.

Jusqu’à récemment, M. Duterte balayait les critiques de ceux qui estiment que non seulement cette campagne est peut-être un crime contre l’humanité, mais qu’en outre elle est vouée à l’échec.

L’ancien avocat martèle que ses tactiques sont les bonnes. Mais, ces derniers jours, le président a commencé à laisser entendre qu’il est peu vraisembla­ble qu’il parvienne à ses objectifs avant la fin de son mandat, en 2022. Il a accusé des forces de police corrompues d’être responsabl­es de cet état de fait.

NOUVEAUX RAIDS

Coïncidenc­e ou non, la police de Manille et des provinces avoisinant­es a lancé cette semaine de nouveaux raids qui se sont soldés par des bilans parmi les plus meurtriers de la guerre antidrogue.

Ces opérations font partie d’une campagne baptisée « One Time Big Time », un nom qui semble banaliser la situation et qui fait référence à une séquence éponyme d’une émission télévisée aujourd’hui défunte, regardée par des dizaines de millions de Philippins pauvres. Dans cette séquence, sorte de Roue de la Fortune à la philippine, les candidats pouvaient gagner d’énormes sommes d’argent.

Dans la première grosse opération du genre lundi soir, la police de la province de Bulacan a annoncé avoir tué 32 personnes.

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RODRIGO DUTERTE Président

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