Le Journal de Montreal

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Connaissez-vous vraiment les milléniaux ?

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Voici la cinquième chronique écrite à quatre mains sous forme d’une discussion entre un baby-boomer (le sondeur Jean-Marc Léger, âgé de 56 ans) et son fils, un millénial (l’étudiant en journalism­e Philippe Léger, âgé de 22 ans). L’artiste américain Andy Warhol avait raison quand il écrivait, en 1968 : « Dans le futur, chacun aura droit à ses 15 minutes de célébrité mondiale ». C’était vrai pour les baby-boomers avec l’avènement de la télévision et ce l’est encore plus aujourd’hui pour les milléniaux avec l’explosion des médias sociaux.

Les milléniaux recherchen­t la célébrité ! Qu’ils soient youtubeurs, blogueurs ou instagrame­urs, devenir une star est la nouvelle obsession pour 63 % des jeunes, près de trois fois plus que les baby-boomers. Le bonheur pour cette jeune génération, c’est d’être connu, reconnu et… « liké ». Vous êtes prêts à exagérer, à mentir ou même à vous exhiber presque nus simplement pour attirer l’attention. Comme si votre réussite se mesure à votre capacité de faire parler de vous sur les médias sociaux. Je sais ! Il y a un réel problème avec tout ce qu’on dit, écrit et montre sur les médias sociaux ; 90 % des jeunes sont souvent branchés sur les médias sociaux, principale­ment Facebook, Instagram et Snapchat, contre seulement 34 % des baby-boomers.

On vit littéralem­ent sur les médias sociaux. C’est devenu une vraie dépendance. Sais-tu que 93 % des jeunes qui publient une photo sur les médias sociaux attendent avec impatience et angoisse de voir le nombre de « j’aime » qu’elle générera ? Mesures-tu véritablem­ent ton nombre de « j’aime » toi aussi ? Je suis gêné de te l’avouer, mais oui. Cela va même plus loin que tu l’imagines : 37 % des jeunes cherchent à augmenter leur nombre de « j’aime »… et j’en fais partie. Et si une photo ne fait pas fureur, certains vont même l’enlever pour ne pas paraître impopulair­es... C’est comme si vous aviez besoin de la reconnaiss­ance des autres pour trouver votre propre identité. Oui. On peut être triste dans la vie réelle pourvu qu’on paraisse extraordin­aire dans notre vie virtuelle. On s’invente une nouvelle réalité. Exactement ! On est prêt à exagérer des événements de notre vie pour impression­ner les autres. Instagram, encore plus que Facebook, a d’ailleurs été nommé le réseau social le plus dommageabl­e pour ma génération puisque tous se mettent en scène quotidienn­ement. Vous êtes devenus trop narcissiqu­es. Ce n’est pas pour rien que vous avez inventé le selfie et que 77 % d’entre vous se prennent constammen­t en égoportrai­t. On adore tout autant se prendre en photo que de regarder les photos des autres, spécialeme­nt celle des célébrités. Les médias sociaux sont aussi une forme de voyeurisme. Et il faudrait aussi que tu m’expliques l’intérêt que vous avez à suivre des célébrités comme Paris Hilton, les familles Osborne ou Kardashian, qui ont comme unique talent d’être… connues ! Je sais, c’est ridicule ! Mais, les jeunes (79 %) aiment suivre les faits et gestes des célébrités sur Instagram et Snapchat. La consécrati­on consiste à poser sur une photo avec une célébrité et qu’elle interagiss­e avec nous par la suite. Comme si notre valeur augmentait. J’admire l’énergie, les certitudes et l’ambition de votre génération, mais votre obsession pour la gloire, l’argent et la célébrité m’inquiète un peu. Vous souffrez d’un grave problème, vous semblez n’exister que dans l’oeil de l’autre. On ne pourrait plus vivre sans les médias sociaux. Mais, on se sent souvent isolé, même si on a des centaines d’amis. On se sent souvent dévalorisé, même si on a des centaines de likes. Les médias sociaux sont un paradis artificiel dont on n’a pas encore mesuré les véritables conséquenc­es. D’ailleurs, Statistiqu­e Canada vient de publier des données qui devraient nous faire réfléchir : 11 % des Canadiens de 15 à 24 ans ont déjà souffert de graves moments de

dépression. Cela fait peur pour l’avenir. La célébrité a de bons et de mauvais côté. J’ai vécu dans le monde des médias toute ma vie et c’est un monde fascinant, mais souvent superficie­l. Il faut rester ancré dans les vraies valeurs et conserver une distance avec la vie numérique. D’ailleurs, j’ai longtemps hésité avant d’écrire cette chronique avec toi pour ne pas t’exposer trop rapidement à ce monde médiatique. T’en fais pas, papa. Comme toi, je suis tombé là-dedans quand j’étais petit. J’ai un bon mentor et j’en apprends encore tous les jours… Même si on n’est pas toujours (OK, rarement !) d’accord.

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