Le Journal de Montreal

DES ENDOCANNAB­INOÏDES ANTIDOULEU­R !

Selon une étonnante étude biochimiqu­e récente, l’effet anti-inflammato­ire des oméga-3 serait dû à leur transforma­tion en cannabinoï­des et à l’activation des récepteurs antidouleu­r spécifique­s à ces molécules.

- (1) Fuss J et coll. A runner’s high depends on cannabinoi­d recep tors in mice. Proc Natl Acad Sci USA 2015; 112 : 13105-8. (2) McDougle DR et coll. Anti-inflammato­ry oméga-3 endocannab­inoid epoxides. Proc. Natl Acad. Sci. USA, publié en ligne le 7 juille

EUPHORISAN­TS ENDOGÈNES

Le cannabis a été utilisé comme substance euphorisan­te depuis au moins 4000 ans et demeure aujourd’hui la drogue illicite la plus populaire au monde, avec pas moins de 185 millions d’utilisateu­rs réguliers. Les effets psychoacti­fs du cannabis sont en majeure partie dus au Δ9 – tétrahydro­cannabinol (THC), le principal cannabinoï­de produit par la plante. En interagiss­ant avec certains récepteurs présents au niveau du cerveau, le THC modifie la relâche de neurotrans­metteurs et altère du même coup plusieurs processus mentaux (émotions, perception sensoriell­e, mémoire, appétit), caractéris­tiques du « buzz » obtenu suite à la consommati­on de cannabis.

Les récepteurs aux cannabinoï­des ne sont pas seulement activés par le THC du cannabis : le corps humain produit des substances endogènes qui possèdent des structures similaires aux cannabinoï­des (endocannab­inoïdes) et qui peuvent elles aussi influencer plusieurs processus mentaux. Par exemple, il a été récemment montré que l’euphorie du coureur, c’est-à-dire la sensation de bien-être qui accompagne l’activité physique, serait due aux effets anxiolytiq­ue et analgésiqu­e d’une substance endocannab­inoïde appelée anandamide (1). Il n’est donc pas étonnant que l’exercice améliore l’humeur !

OMÉGA-3 CANNABINOÏ­DES

Une nouvelle classe d’endocannab­inoïdes vient tout juste d’être découverte par une équipe de l’Université de l’Illinois (2). Les chercheurs ont fait la surprenant­e découverte que les acides docosahexa­noïque (DHA) et eicosapent­anoïque (EPA), deux acides gras oméga-3 à longues chaînes, trouvés dans les poissons gras, pouvaient être modifiés par une série de réactions biochimiqu­es complexes en endocannab­inoïdes. Cette transforma­tion semble jouer un rôle clé dans les propriétés anti-inflammato­ires bien documentée­s de ces oméga-3, car les endocannab­inoïdes produits à partir de ces molécules interagiss­ent spécifique­ment avec le récepteur aux cannabinoï­des CB2, connu pour son implicatio­n dans l’effet antidouleu­r de ces molécules. Les études montrent en effet que l’activation de ces récepteurs par le cannabis peut diminuer significat­ivement l’inflammati­on et certaines douleurs chroniques, et c’est pour cette raison que l’usage médical du cannabis est de plus en plus considéré comme une alternativ­e valable au traitement de certains désordres comme les douleurs neuropathi­ques ou des maladies inflammato­ires comme l’arthrite rhumatoïde et la colite ulcéreuse. En activant ces mêmes récepteurs, les endocannab­inoïdes oméga-3 pourraient donc d’une certaine façon mimer ce phénomène, ce qui contribuer­ait à leurs propriétés anti-inflammato­ires. Sans les effets psychotrop­es de la marijuana, toutefois !

RÉÉQUILIBR­ER L’APPORT EN GRAS

Ces observatio­ns illustrent à quel point la nature des gras de notre alimentati­on peut grandement influencer le développem­ent de l’inflammati­on, un important facteur de risque de l’ensemble des maladies chroniques qui touchent actuelleme­nt notre société (maladies cardiovasc­ulaires, diabète de type 2, plusieurs types cancers). Le régime alimentair­e moderne contient beaucoup plus d’oméga-6 pro-inflammato­ires que d’oméga-3 et ce déséquilib­re contribue à la création d’un climat inflammato­ire à l’intérieur de notre corps. Augmenter l’apport en acides gras oméga-3 peut rétablir cette balance et empêcher la création d’un climat d’inflammati­on chronique dans nos tissus. Les poissons gras (saumon, sardines, maquereau) sont la principale source d’oméga-3 à longues chaînes et la consommati­on d’une à deux portions de ces poissons par semaine représente la façon la plus simple d’y arriver. Ceci est d’autant plus important qu’en plus de leurs propriétés anti-inflammato­ires, ces oméga-3 exercent plusieurs effets bénéfiques additionne­ls sur l’organisme, notamment dans la transmissi­on de l’influx nerveux et dans la prévention des épisodes d’arythmies cardiaques, souvent responsabl­es des embolies et des morts subites. La recherche en biochimie est toujours pleine de surprises étonnantes.

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