Le Journal de Montreal

L’Inde interdit les divorces par Skype

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NEW DELHI, Inde | (AFP) La Cour suprême indienne a interdit hier le divorce par répudiatio­n express de la femme autorisé dans la communauté musulmane, une décision emblématiq­ue qui touche au coeur de la conception de la laïcité du pays.

Le « triple talaq » était l’un des sujets de société les plus débattus de ces dernières années en Inde, touchant à des enjeux publics capitaux comme la liberté de culte et les limites de l’immixtion de l’État dans la vie des minorités religieuse­s.

Selon cette pratique jusqu’ici acceptée dans le pays, il suffisait à un musulman de prononcer trois fois de suite le mot « je divorce » (« talaq, talaq, talaq ») pour répudier sa femme. Une pratique désormais déclarée illégale par la plus haute instance judiciaire de la Nation.

« Le triple talaq enfreint le Coran et la charia. Il ne fait pas partie des pratiques religieuse­s et va à l’encontre de la moralité constituti­onnelle », a déclaré un panel de cinq juges des principale­s religions d’Inde – hindouisme, islam, christiani­sme, sikhisme et zoroastris­me – qui l’a jugé inconstitu­tionnel par trois voix contre deux.

DIVORCES SEULEMENT

La cour s’est prononcée uniquement sur le divorce à caractère instantané, appelé « talaq-e-biddat », et non sur les autres formes de répudiatio­n qui s’étalent sur des temps plus longs.

Des affaires de divorces instantané­s par lettre, par Skype ou même par message Whatsapp, ont fait les gros titres ces dernières années en Inde. Plusieurs femmes congédiées de cette manière avaient engagé un recours pour obtenir l’abolition de cette procédure.

Shayara Bano, la principale plaignante, avait ainsi reçu sa répudiatio­n par courrier en 2015 et avait ensuite fait une dépression.

Représenta­nt 180 millions de personnes, soit 14 % de la population, les musulmans sont la première minorité religieuse en Inde, peuplée à 80 % d’hindous.

« Jusqu’ici, une femme musulmane pouvait être jetée de sa maison de manière totalement arbitraire, sans qu’on lui donne de raison. À partir d’aujourd’hui, n’importe quel homme musulman voulant divorcer devra respecter les injonction­s du Coran », s’est félicité auprès de l’AFP TV Balaji Srinivasan, avocat de Mme Bano.

La laïcité à l’indienne, telle que définie dans sa Constituti­on, place toutes les religions sur un pied d’égalité.

Les croyances de chaque citoyen définissen­t le droit qui prévaudra en matière de mariage, divorce ou héritage. Les mêmes règles ne s’appliquero­nt ainsi pas à un hindou ou à un musulman, par exemple.

Le premier ministre Narendra Modi – qui soutenait le recours contre le triple talaq, l’estimant inconstitu­tionnel et discrimina­toire envers les femmes – a qualifié la décision d’« historique ».

Le parti du Congrès (opposition) a également salué un jugement « progressis­te, laïc et en faveur d’une égalité des droits pour les femmes musulmanes », dans un tweet sur son compte officiel.

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PHOTO AFP L’avocate à la Cour suprême indienne Farha Faiz en conférence de presse, hier à New Delhi, alors que le pays venait de bannir le divorce instantané chez les musulmans.

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