Les États-Unis jouent un jeu dangereux avec Islamabad
WASHINGTON | (AFP) La nouvelle stratégie de Donald Trump pour gagner en Afghanistan reprend de vieilles recettes militaires, mais le président américain a aussi pris un risque diplomatique à double tranchant en critiquant ouvertement le Pakistan, puissance nucléaire à l’équilibre fragile.
Le territoire pakistanais « est souvent un refuge pour les agents du chaos, de la violence et de la terreur », a-t-il dénoncé sans détour lundi. Le Pakistan a « beaucoup à perdre s’il continue à abriter des criminels et des terroristes », déstabilisant l’Afghanistan voisin, a-t-il martelé. « Cela va changer immédiatement ! »
De la part d’un président, « c’était le discours le plus dur jamais entendu », souligne Sadanand Dhume, chercheur au cercle de réflexion conservateur American Enterprise Institute.
Le Pakistan, qui avait pris les devants en assurant dès lundi n’abriter plus « aucune structure organisée d’aucun groupe terroriste », a protesté hier contre des critiques « décevantes ».
La Chine a, elle, pris la défense de son allié stratégique ce qui laisse entrevoir de nouvelles tensions régionales si les États-Unis devaient confirmer dans les actes ce durcissement.
PALETTE D’OPTIONS
Les experts attendent de savoir quelles mesures seront prises si Islamabad rechigne à se plier à la pression.
Sadanand Dhume énumère une palette d’options, qui vont d’une réduction de l’aide militaire américaine à des sanctions visant des sociétés ou personnes liées à l’armée pakistanaise. Les ÉtatsUnis pourraient aussi retirer au Pakistan son statut d’« allié majeur non-membre de l’OTAN », octroyé par George W. Bush.
« Nous avons quelques moyens de pression », a prévenu hier le secrétaire d’État américain Rex Tillerson, « toutes ces choses sont sur la table ». Il a refusé de dire si cela pouvait aussi se traduire par des frappes américaines au Pakistan. « Nous allons attaquer les terroristes où qu’ils se trouvent », a-t-il toutefois assuré.
Mais James Jeffrey, du Washington Institute of Near East Policy, redoute que la marge de manoeuvre des ÉtatsUnis soit en réalité très réduite, d’autant que l’armée américaine dépend du Pakistan côté logistique.
MENACE NUCLÉAIRE
Donald Trump a certes sorti lundi la carte indienne, en louant les efforts de l’Inde et en l’appelant à intervenir encore davantage en Afghanistan « sans prendre trop de précautions pour ne pas froisser le Pakistan », relève M. Dhume.
Cela peut servir de levier sur Islamabad, parce que « le Pakistan ne veut certainement pas que l’Afghanistan s’effondre, mais il ne veut pas davantage d’un gouvernement afghan trop proche de New Delhi », selon Seth Jones, du groupe de réflexion RAND Corporation.
C’est aussi un jeu dangereux. Si les tensions régionales sont attisées, l’Inde et le Pakistan pourraient basculer dans une guerre nucléaire, prévient M. Jeffrey.