Le Journal de Montreal

Richard Martineau

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Je sais que le titre de ma chronique est fort, mais c’est une question que je me pose depuis plusieurs années.

Et si, au lieu de constituer une étape majeure dans le cheminemen­t devant nous mener à l’indépendan­ce, la loi 101 (dont on célèbre le quarantièm­e anniversai­re) était au contraire le premier clou dans le cercueil de la souveraine­té ?

DEUX FAÇONS DE VOIR

Voici ma théorie — que je soumets à votre attention et qui n’engage que moi.

Dans les années 1960-70, beaucoup de Québécois étaient tentés par l’aventure souveraini­ste, car ils étaient inquiets de l’avenir du français en Amérique.

C’était pour ça qu’ils voulaient se séparer du Canada : pas pour des raisons économique­s ou politiques (tout ça est venu plus tard), mais pour des raisons culturelle­s.

À l’époque, les immigrants qui débarquaie­nt chez nous adoptaient pour la plupart la langue de Shakespear­e, et le Québécois moyen s’inquiétait — avec raison — pour l’avenir de sa langue et de sa culture…

Mais la loi 101 du docteur Laurin a calmé ses angoisses.

Les immigrants, désormais, allaient fréquenter l’école française et apprendre la langue de Réjean Ducharme et de Michel Tremblay. Il y a deux façons de voir ça… Soit l’adoption de la loi 101 (qui s’est avérée rapidement très efficace) donnait un avant-goût de ce que les Québécois pourraient faire s’ils se donnaient un pays.

(Regardez ce qu’on a pu faire malgré le carcan constituti­onnel, imaginez ce qu’on pourrait accomplir si on était libre !)

Soit l’adoption de la loi 101 prouvait au contraire qu’on pouvait protéger le français dans le cadre de la constituti­on canadienne — donc, qu’on n’avait pas vraiment besoin de se séparer…

Je crois que plusieurs Québécois ont bu le deuxième verre de Kool-Aid.

LE MIRAGE DE LA SOUVERAINE­TÉ

Vous me direz que la loi 101 n’est plus ce qu’elle était il y a 40 ans, qu’on lui a enlevé plusieurs griffes et plusieurs dents au fil des ans. Effectivem­ent. Mais je crois que ce que les Québécois voient, c’est que beaucoup d’immigrants parlent désormais français.

Ça nous est tous arrivé : on entend quelqu’un parler joual derrière nous, on se retourne, et on voit que c’est un Chilien ou un Vietnamien qui discute avec un ami. Un enfant de la loi 101. C’est ce que j’appelle le « dilemme » des nationalis­tes.

Chaque fois qu’ils marquent un point, chaque fois qu’ils nous font faire un pas en avant, ils prouvent à leur corps défendant qu’on peut améliorer le sort du Québec au sein du Canada.

Plus on marche vers la souveraine­té, plus la souveraine­té s’éloigne, comme un mirage. Et puis, soyons francs… Aujourd’hui, ce ne sont pas tant les Anglos du Québec qui représente­nt une menace pour le français… mais les francophon­es eux-mêmes !

Pas besoin des « autres » pour massacrer notre langue. On peut le faire nous-mêmes ! Et très bien, en plus de ça ! Plus de la moitié des Québécois sont des analphabèt­es fonctionne­ls. Ils peuvent lire un texte, mais ne le comprennen­t pas…

DANS LE FILET

Les péquistes ont marqué tout un but en adoptant la loi 101.

Mais on peut se poser la question : dans quel filet ont-ils envoyé la rondelle ?

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Pour plusieurs, la loi 101 a rendu la souveraine­té obsolète...
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