Deux fois plus d’employés en invalidité
Ottawa a dû débloquer 76 M$ pour faire face à la hausse due, surtout, aux problèmes mentaux des salariés de la GRC
OTTAWA | Le nombre d’employés de la GRC qui reçoivent leur pleine pension prématurément à cause d’une invalidité a presque doublé depuis cinq ans, surtout pour des raisons de santé mentale. Une augmentation inattendue qui a coûté 76 M$ à Ottawa.
Mais que se passe-t-il chez les employés de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ? En 2012, 129 membres réguliers et civils ont demandé à recevoir un paiement d’invalidité – soit leur pleine pension – parce qu’ils doivent quitter la GRC de façon prématurée à cause d’un problème physique ou mental qui pourrait perdurer toute leur vie.
Or, ce chiffre a doublé et a atteint un pic de 249 l’an dernier, selon des chiffres obtenus par Le Journal.
Cette abondance de nouvelles demandes a donc fait bondir le nombre d’employés qui reçoivent leur pleine pension pour cause d’invalidité. En effet, le nombre total d’employés invalides a presque doublé entre 2012 et 2016, passant de 488 à 849.
Des données qui inquiètent, mais qui n’étonnent pas de nombreux dirigeants d’associations qui représentent les salariés de la GRC.
« On remarque certainement qu’il y a de plus en plus de départs en congé de maladie et aussi en invalidité. Je crois que les gens ont moins peur de prendre le temps qu’il faut pour se soigner, mais il y a aussi un stress additionnel lié à une diminution constante des effectifs depuis les dernières années », a commenté Serge Bilodeau, président de l’Association des membres de la police montée du Québec (AMPMQ).
HAUSSE CONSTANTE
L’une des hautes fonctionnaires du secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, l’employeur du gouvernement fédéral, s’étonnait d’ailleurs de cette augmentation marquée depuis plusieurs années devant un comité sénatorial en février.
Or, cette hausse constante fait que le régime d’assurance invalidité auquel cotisent les employés (15 %) et le gouvernement (85 %) éprouve des difficultés financières et a nécessité un investissement supplémentaire de 76 millions $ par Ottawa, a révélé Renée LaFontaine, directrice principale des finances, devant le comité des finances nationales en février.
Les fonds ont été débloqués le mois suivant.
« Pour vous donner une idée [de l’augmentation], nous faisons le point chaque trimestre. Les employés bénéficient du régime pendant des années, mais depuis le troisième trimestre de 2016, par exemple, le nombre de nouveaux demandeurs est passé de 36 à 71. Voilà qui vous donne un aperçu du volume et de l’ampleur du changement », a commenté Mme LaFontaine.
SANTÉ MENTALE
Alors que la GRC est accusée depuis plusieurs années d’avoir une organisation gangrenée par le harcèlement, les données de la GRC illustrent un autre phénomène troublant : une montée de départs en invalidité pour cause de problèmes de santé mentale.
En effet, en 2016, près d’une demande de prestations sur deux était en lien avec des troubles mentaux, selon les données de la GRC. Ce chiffre a bondi de près de 10 % en cinq ans.
« Le travail de policier est stressant, quel que soit le service pour lequel on travaille. La GRC a été beaucoup plus lente que d’autres à reconnaître le fait que ses membres ont besoin de plus de soutien et de services de soutien pour améliorer leur état mental et réduire le stress », a commenté Brian Sauvé, coprésident de la Fédération de la police nationale.
VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL
Cette situation a même été dénoncée par le vérificateur général du Canada dans un rapport publié au mois de mai.
« La GRC n’a pas affecté assez de ressources à mettre en oeuvre sa stratégie [pour s’attaquer au problème de santé mentale] », a indiqué Michael Ferguson.
Pour sa part, la GRC a indiqué qu’elle ne pouvait pas commenter cette hausse de demandes d’invalidité sous prétexte que les données qu’elle nous a elle-même transmises sont « confidentielles ».
« La GRC prend très au sérieux la santé et le bienêtre de tous ses employés », a ajouté un porte-parole, en ajoutant que le corps policier a lancé de nombreux nouveaux services de soutien aux employés.
« LA GRC A ÉTÉ BEAUCOUP PLUS LENTE QUE D’AUTRES À RECONNAÎTRE LE FAIT QUE SES MEMBRES ONT BESOIN DE PLUS DE SOUTIEN ET DE SERVICES DE SOUTIEN. » – Brian Sauvé, Fédération de la police nationale