La Meute en crise de crédibilité
Prétendre que La Meute est un dangereux mouvement d’extrême droite équivaut à dire que le Québec est gangrené par le racisme systémique. C’est faux.
Il y a racisme systémique quand le président des États-Unis gracie un shérif adepte du profilage racial — interdit par la Constitution — trouvé coupable d’outrage au tribunal.
Mais il faut plus que des manifestants qui attendent le feu vert pour traverser la rue pour me convaincre de la crédibilité de La Meute en tant qu’interlocuteur politique.
Je crois le porte-parole Sylvain Brouillette quand il affirme défendre la laïcité, la démocratie et les droits fondamentaux, mais je me méfie des mouvements qui prétendent être la voix du peuple sans avoir été élus par le peuple.
VU ET ENTENDU
Si Justin Trudeau n’a obtenu que 39 % des votes, La Meute en a reçu 0 %.
J’ai passé trois heures avec M. Brouillette. Certains de ses propos m’ont troublée. Excès de candeur ? Déficit d’expérience ? Je l’ignore.
Quand on se défend d’être un mouvement raciste, on ne s’acoquine pas avec un excité du web qui ridiculise une étude sur l’extrémisme, notant au passage qu’il n’y avait pas de Tremblay ou de Gagnon parmi les chercheurs.
Quand on défend la démocratie, on ne dit pas que notre système politique est une dictature de quatre ans. Des contre-pouvoirs puissants existaient avant La Meute.
On n’affirme pas, sans le prouver, que les Somaliens qui arrivent avec de faux papiers sont pour la plupart des criminels. Ou que 110 000 « illégaux » seraient entrés au Canada l’an dernier.
Quand on dit protéger les droits fondamentaux, on ne suggère pas que l’attentat de Québec n’a pas été motivé par la haine, mais par « vous savez quoi » ou que le néonazi qui a tué Heather Heyer à Charlottesville « a paniqué » au volant.
Leonard Cohen a écrit que c’est par les craques dans toutes choses qu’entre la lumière. Cette fois, j’entrevoyais la noirceur.
N’IMPORTE QUOI
La Meute ne va pas construire sa crédibilité en suggérant, à partir d’une anecdote, qu’une multinationale québécoise bafoue la liberté d’expression en permettant le foulard islamique tout en empêchant le port des couleurs de La Meute au travail, quand un simple appel confirme l’existence d’un code vestimentaire qui interdit d’afficher un logo autre que celui de l’entreprise.
Aussi bien intentionné soit-il, quelqu’un qui croit que défiler la nuit, flambeau à la main, en scandant des slogans hitlériens, n’est pas un acte violent si personne n’enfreint la loi, coupe court au débat.
La Meute veut inspirer le peuple à « exiger plus » de ses dirigeants. Pour cela, elle devra exiger plus d’elle-même en se tenant loin des ragots, des théories du complot et des trublions sur YouTube.
Il faut plus que de la discipline militaire pour qu’un groupe de pression citoyen puisse contribuer au renouveau politique. Débattre à partir de faussetés ou de rumeurs est aussi inutile que nuisible. Il faut de la rigueur dans le discours et la volonté de l’élever au-dessus de la mêlée.
Sinon, ce groupe fera plus de mal que de bien. Même si ses membres traversent toujours la rue au feu vert.
Demain : La démocratie n’est pas un bulldozer.