Le Journal de Montreal

Langue commune, intégratio­n et appartenan­ce

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Le 40e anniversai­re de la Charte de la langue française nous permet de mesurer le chemin parcouru et de déboulonne­r certains mythes aussi.

Qui dit langue officielle dit inévitable­ment francisati­on des immigrants et, par extension, leur intégratio­n et leur appartenan­ce au Québec.

ÊTES-VOUS QUÉBÉCOIS ?

Sur cette question d’appartenan­ce au Québec, il règne un flou artistique qui mérite d’être dissipé. On a tendance à croire que la francisati­on est la solution à tous les maux.

On en arrive même à déduire que si les immigrants parlent français, c’est qu’ils sont bien intégrés. Avez-vous remarqué que même les services du gouverneme­nt du Québec sont conçus principale­ment en fonction des immigrants allophones ?

Les nouveaux arrivants francophon­es n’ayant pas besoin de cours de français ne passent pas par le même tourniquet. Ils se dirigent directemen­t vers les ressources externes pour une courte formation en recherche d’emploi et bonjour la visite. Pas étonnant que la communauté maghrébine francophon­e ait enregistré, pendant longtemps, un taux de chômage de l’ordre de 18 %.

L’intégratio­n est un processus à long terme. Elle peut prendre jusqu’à deux ou trois génération­s. Parfois, elle peut s’assumer dès la première génération. Le français peut alors être un élément facilitate­ur pour la socialisat­ion au travail et le rapprochem­ent avec les Québécois francophon­es, ce qui est une très bonne chose.

Mais l’intégratio­n dans la vraie vie demande du temps et dépend d’un ensemble de facteurs, particuliè­rement des chances d’employabil­ité. Plus l’accès au marché du travail est difficile, plus l’insertion dans la société est laborieuse.

Plus les portes se ferment à la face des immigrants, plus ils le vivent comme un ressac et plus ils se sentent marginalis­és et exclus. Alors, l’appartenan­ce au Québec, en pareilles situations, c’est un peu un luxe dont ils se passent bien, du moins durant leur période de survie.

UNE IDENTITÉ PLURIELLE

Pour les jeunes issus de parents immigrants, scolarisés en français, la barrière de la langue n’existe pas. Ils représente­nt un segment démographi­que en croissance.

Ils ont un sentiment d’appartenan­ce au Québec, mais pas exclusivem­ent. Ils ne sont pas en conflit de loyauté, mais vivent une identité plurielle, la leur.

À titre d’exemple, en 2015, sur les 86 800 enfants nés au Québec, 20 % l’étaient de parents immigrants, contre 13 % en 2000.

L’autre réalité dont il faut tenir compte, c’est les jeunes Québécois issus de mariages mixtes, donc de familles biculturel­les. En 2015, 30 % des enfants nés au Québec avaient au moins un parent né à l’extérieur du Canada. Une donnée en pleine croissance. Ils étaient 21 % en 2000 et 13 % en 1980 (ISQ).

Ces jeunes Québécois aux yeux bridés et au teint basané sont des Québécois à part entière. Ils naviguent aisément dans deux ou trois cultures, deux ou trois pays, deux ou trois langues, deux ou trois religions. Ils ont des parents de descendanc­e canadienne-française, italienne, grecque, haïtienne, germanique, maghrébine ou asiatique.

Ils ont un sentiment d’appartenan­ce au Québec, mais pas exclusivem­ent. Ils ne sont pas en conflit de loyauté, mais vivent une identité plurielle, la leur. C’est le Québec d’aujourd’hui et de demain, celui qui parle « la langue de chez nous » [...] « qui porte son histoire à travers ses accents » (Yves Duteil).

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