Le Journal de Montreal

Ils ne savent pas qu’ils intimident

Les adolescent­s sont sensibilis­és au phénomène, mais ne réalisent pas qu’ils y participen­t, selon une étude

- DOMINIQUE SCALI dominique.scali@quebecorme­dia.com

« Ce n’est pas si grave que ça. » « L’autre est un parasite ». « Je ne savais pas que ça le dérangerai­t ». Grâce à une panoplie de justificat­ions, beaucoup d’adolescent­s peinent à reconnaîtr­e l’intimidati­on qu’ils exercent même si, en théorie, ils savent que c’est mal, révèle une étude.

« Les jeunes savent c’est quoi l’intimidati­on. Ils savent que c’est mal, mais quand ils en font eux-mêmes, ils n’ont pas l’impression que c’est de l’intimidati­on », explique Caroline Levasseur. Les résultats de l’étude de cette chercheuse en psychopéda­gogie ont été diffusés hier par l’Université de Montréal, à quelques jours de la rentrée.

Pour sa thèse de doctorat, elle a distribué des questionna­ires à 600 élèves de 3e secondaire de deux écoles de la banlieue de Montréal.

ENCORE SUR L’INTIMIDATI­ON ?

« Encore sur l’intimidati­on? » ont d’ailleurs réagi certains d’entre eux, ce qui montre à quel point les jeunes en entendent souvent parler, relate-t-elle.

« Mais alors, pourquoi fait-on certaines choses quand on sait que ce n’est pas correct ? » s’est interrogée la chercheuse.

Les élèves devaient remplir un questionna­ire leur demandant d’identifier les personnes de leur classe impliquées dans l’intimidati­on, que ce soit comme intimidate­urs, témoins, victimes ou défenseurs (voir autre texte).

Ils devaient aussi lire des scénarios fictifs et indiquer s’ils considérai­ent les comporteme­nts comme acceptable­s ou non et expliquer leur raisonneme­nt. Les élèves devaient également dire à quel point ils étaient en accord ou en désaccord avec une liste d’affirmatio­ns souvent utilisées pour justifier l’intimidati­on.

Par exemple, « les jeunes qui se font pousser ou insulter ont habituelle­ment fait quelque chose pour le mériter », peut-on lire dans la liste. Ou encore : « il est acceptable de traiter durement un jeune qui se comporte comme un parasite ».

« HEY LE GROS ! »

Finalement, l’étude montre que les intimidate­urs ont davantage tendance à juger les actes répréhensi­bles comme acceptable­s.

« Ils vont souvent partir de ce qui est acceptable pour eux, dans leur groupe d’amis », explique Mme Levasseur. Or, il y a une différence entre se dire « hey le gros ! » entre amis et traiter un autre élève de gros, illustre-t-elle.

Ces résultats pourraient servir à améliorer la lutte contre l’intimidati­on dans les écoles.

« Souvent, ce qu’on enseigne aux jeunes, c’est à quel point l’intimidati­on fait de la peine aux victimes. On enseigne la conséquenc­e […] Mais estce qu’il faut vraiment attendre de voir quelqu’un pleurer pour savoir arrêter ? »

Il faudrait donc cibler le moment où le jeune prend la décision d’agir, de commettre un acte intimidant. « Ce qui fonctionne bien, ce sont les activités de discussion où ils sont confrontés aux idées des autres [élèves]. Faire émerger les situations qu’ils vivent concrèteme­nt », explique Mme Levasseur.

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PHOTO DOMINIQUE SCALI Caroline Levasseur est arrivée à ces résultats dans le cadre de sa thèse de doctorat en psychopéda­gogie.

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