Ils ne savent pas qu’ils intimident
Les adolescents sont sensibilisés au phénomène, mais ne réalisent pas qu’ils y participent, selon une étude
« Ce n’est pas si grave que ça. » « L’autre est un parasite ». « Je ne savais pas que ça le dérangerait ». Grâce à une panoplie de justifications, beaucoup d’adolescents peinent à reconnaître l’intimidation qu’ils exercent même si, en théorie, ils savent que c’est mal, révèle une étude.
« Les jeunes savent c’est quoi l’intimidation. Ils savent que c’est mal, mais quand ils en font eux-mêmes, ils n’ont pas l’impression que c’est de l’intimidation », explique Caroline Levasseur. Les résultats de l’étude de cette chercheuse en psychopédagogie ont été diffusés hier par l’Université de Montréal, à quelques jours de la rentrée.
Pour sa thèse de doctorat, elle a distribué des questionnaires à 600 élèves de 3e secondaire de deux écoles de la banlieue de Montréal.
ENCORE SUR L’INTIMIDATION ?
« Encore sur l’intimidation? » ont d’ailleurs réagi certains d’entre eux, ce qui montre à quel point les jeunes en entendent souvent parler, relate-t-elle.
« Mais alors, pourquoi fait-on certaines choses quand on sait que ce n’est pas correct ? » s’est interrogée la chercheuse.
Les élèves devaient remplir un questionnaire leur demandant d’identifier les personnes de leur classe impliquées dans l’intimidation, que ce soit comme intimidateurs, témoins, victimes ou défenseurs (voir autre texte).
Ils devaient aussi lire des scénarios fictifs et indiquer s’ils considéraient les comportements comme acceptables ou non et expliquer leur raisonnement. Les élèves devaient également dire à quel point ils étaient en accord ou en désaccord avec une liste d’affirmations souvent utilisées pour justifier l’intimidation.
Par exemple, « les jeunes qui se font pousser ou insulter ont habituellement fait quelque chose pour le mériter », peut-on lire dans la liste. Ou encore : « il est acceptable de traiter durement un jeune qui se comporte comme un parasite ».
« HEY LE GROS ! »
Finalement, l’étude montre que les intimidateurs ont davantage tendance à juger les actes répréhensibles comme acceptables.
« Ils vont souvent partir de ce qui est acceptable pour eux, dans leur groupe d’amis », explique Mme Levasseur. Or, il y a une différence entre se dire « hey le gros ! » entre amis et traiter un autre élève de gros, illustre-t-elle.
Ces résultats pourraient servir à améliorer la lutte contre l’intimidation dans les écoles.
« Souvent, ce qu’on enseigne aux jeunes, c’est à quel point l’intimidation fait de la peine aux victimes. On enseigne la conséquence […] Mais estce qu’il faut vraiment attendre de voir quelqu’un pleurer pour savoir arrêter ? »
Il faudrait donc cibler le moment où le jeune prend la décision d’agir, de commettre un acte intimidant. « Ce qui fonctionne bien, ce sont les activités de discussion où ils sont confrontés aux idées des autres [élèves]. Faire émerger les situations qu’ils vivent concrètement », explique Mme Levasseur.