Le Journal de Montreal

Autant en emporte la raison

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Vous avez vu le dernier dérapage intellectu­el aux USA ? Un cinéma de Memphis, qui faisait jouer Autant en emporte le vent (Gone with the wind) chaque année depuis 34 ans, a annoncé qu’en 2018, le film serait retiré de leur programmat­ion.

Ce film, qui présente la guerre de Sécession du point de vue des sudistes et des propriétai­res d’esclaves, a été déclaré « insensible ».

Voilà un beau cas de révisionni­sme historique. On juge un film de 1939 avec nos critères de 2017. Déprogramm­er ce film, ce n’est rien d’autre que de la censure de gauche.

PRIÈRE DE NE PAS OFFENSER

À la suite des événements de Charlottes­ville, présenter ce classique choquerait un public offensé par tout ce qui n’est pas politiquem­ent correct. Mais on ne peut pas effacer les oeuvres passées, on ne peut pas réécrire l’histoire ! On ne peut pas critiquer le passé esclavagis­te des États-Unis sans comprendre l’époque qui a permis ça.

Aux États-Unis, on veut déboulonne­r des statues qui représente­nt des personnage­s « odieux » de l’histoire.

Dans les université­s, on offre des « espaces sécuritair­es » aux étudiants qui se sentent « offensés » par les sujets abordés en classe. On refuse l’accès au campus à des conférenci­ers qui ne pensent pas comme les étudiants de gauche. Ce n’est pas en prenant une grosse gomme à effacer et en enlevant toute référence à des idées qui dérangent qu’on va faire avancer le débat.

L’autre jour, en librairie, j’ai vu le nouveau bandeau-choc apposé sur le livre de Margaret Atwood qui a inspiré la série-culte La servante écarlate (qui sera d’ailleurs présentée sur Club Illico à l’automne).

On y a écrit en grosses lettres: « Le livre qui fait trembler l’Amérique de Trump. »

S’cusez-moi, mais une histoire de fanatiques religieux qui enlèvent tous leurs droits fondamenta­ux aux femmes et qui les obligent à porter un vêtement qui recouvre leur corps… ça me fait plus penser à l’Arabie saoudite qu’à l’Amérique.

Non, moi, le livre qui me fait penser à l’Amérique d’aujourd’hui, c’est 1984 de George Orwell. « On ne pouvait pas plus étudier l’histoire par l’architectu­re que par les livres. Les statues, les inscriptio­ns, les pierres commémorat­ives, les noms de rues, tout ce qui aurait pu jeter une lumière sur le passé, avait été systématiq­uement changé. »

PAS DE CIRE POUR FÉLIX

Lundi, je vous parlais de Félix Leclerc qui n’avait pas de statue au Musée Grévin à Montréal. Après la parution de mon texte, l’agence de communicat­ion du Musée m’a informée que c’est parce que « la famille du chansonnie­r a refusé ». Hmmmm. Pourquoi ne pas m’avoir fourni cette informatio­n, quand je les ai contactés, avant la parution de mon texte ?

Le fond de l’histoire, c’est que Francis Leclerc et Nathalie Leclerc se sont demandé si leur père aurait un jour voulu avoir sa statue de cire au Musée.

Pour eux, la réponse était négative. La succession (Francis, Nathalie et leur mère) a décliné la propositio­n du Musée.

C’est sûr que pour le Musée, se faire dire que le grand Félix n’aurait rien voulu savoir de sa statue en cire, ce n’est pas très flatteur.

Par souci de transparen­ce, il aurait tout de même mieux fallu qu’ils me donnent toute l’info dès le début.

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