Quand le jugement fout le camp
C’est dans les moments les plus troubles que l’on prend la mesure réelle des forces et manquements des dirigeants politiques. Depuis l’attentat meurtrier au Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), les manquements remportent malheureusement la mise.
Dans les premiers jours, tous les chefs de parti ont réagi d’une seule voix humaniste et responsable. Tous ont juré d’oeuvrer à un meilleur « vivre ensemble ». Deux semaines plus tard, la bulle éclatait déjà. Prenant prétexte d’une sortie du philosophe Charles Taylor, Philippe Couillard en profita pour accuser les partis d’opposition de « dérive discriminatoire ».
Depuis l’arrivée des demandeurs d’asile haïtiens, c’est la foire d’empoigne. Selon le chef caquiste François Legault, nos frontières sont une « passoire ». Pour le chef péquiste Jean-François Lisée, ces « invités de Justin Trudeau » ont droit à l’aide de dernier recours alors que les aînés en CHSLD n’ont même pas un deuxième bain par semaine.
S’invitant à la danse, Gabriel Nadeau-Dubois accuse M. Lisée de « faire reculer l’indépendance » en stigmatisant les nouveaux arrivants. Comme si l’indépendance n’était pas déjà dans le 36e dessous ou que Québec solidaire aurait fait quoi que ce soit pour la faire avancer.
ÉLÉVATION RECHERCHÉE
Face à la surenchère populiste des Lisée et Legault, messieurs Couillard et Nadeau-Dubois se drapent de leur vertu autoproclamée. En ce domaine, ces deux hommes ne font pas de la politique, ils font de la morale.
Les Québécois méritent plus d’élévation de la part de leurs dirigeants. Tristement, ils assistent au spectacle contraire. Les yeux rivés sur les sondages et le scrutin du 1er octobre 2018, chaque chef s’enfonce la tête dans son petit carré de sable partisan.
Le premier ministre pousse même l’odieux jusqu’à créer une commission bidon sur la « discrimination systémique et le racisme » dans l’unique but de diaboliser ses adversaires.
POLARISATION
Dans les faits, le Québec baigne dans cette bouillabaisse dite identitaire depuis 10 ans. Depuis la pseudo-crise des accommodements raisonnables, le rapport de la commission Bouchard-Taylor tabletté par les libéraux et l’erreur grossière de la charte des valeurs du PQ. Et maintenant, sous un Philippe Couillard s’amusant à polariser la population en deux « camps » –- les « tolérants » comme lui et les méchants « xénophobes » de l’opposition. Pendant ce temps, nous sommes face à des groupuscules d’extrême droite décomplexés. Phénomène marginal au Québec, il est non moins réel. Leur but : élargir leur base par le biais des médias sociaux et une visibilité accrue depuis leur manif à Québec le 20 août dernier.
Ce phénomène commande un discours et des actions concertées de nos dirigeants, dont le maire de Québec. Dernier en date d’une haine insidieuse pourrait même être l’incendie criminel de la voiture du président du CCIQ. Dans un tel climat, élections ou pas, le Québec a besoin de dirigeants politiques éclairés, éclairants, apaisants et agissants. Des dirigeants qui, sur ces questions sensibles, sont capables de transcender toute partisanerie. Jean-François Lisée et François Legault seraient sages de ranger leur populisme racoleur et messieurs Couillard et Nadeau-Dubois, de descendre enfin de leur piédestal moralisateur.