Pénitenciers : les chiens protégés, pas les agents
Les chiens renifleurs des pénitenciers fédéraux sont mieux protégés que les détenus et les gardiens contre les surdoses mortelles liées au fentanyl, déplore le Syndicat des agents correctionnels.
Les maîtres-chiens ont un antidote en leur possession, au cas où leur animal reniflerait la puissante drogue lors d’une fouille. La dose pourrait ainsi être administrée rapidement au chien. Par contre, les agents correctionnels n’ont pas sur eux l’antidote de naloxone disponible sous forme de vaporisateur nasal.
« Ils ne veulent pas que les chiens meurent, mais moi, si j’en trouve [du fentanyl] dans un tiroir lors d’une fouille, ce n’est pas grave. C’est aberrant ! » déplore une source qui s’est confiée au Journal.
Généralement, l’antidote commercialisé sous le nom de NARCAN ne se trouverait qu’à l’infirmerie ou dans le bureau d’un gestionnaire correctionnel, loin des unités où vivent les détenus.
COMME L’EPIPEN
Et le temps est précieux lors d’une intervention, souligne le Syndicat des agents correctionnels du Canada.
« C’est correct que les chiens soient protégés, pour autant que nous aussi », note le président régional du Québec, Frédérick Lebeau.
Pour intervenir plus rapidement, les agents souhaiteraient en avoir sur eux ou à portée de main dans chacune des unités de vie, comme c’est le cas pour l’EpiPen, utilisé entre autres pour traiter des réactions allergiques.
Le Syndicat presse le Service correctionnel du Canada (SCC) de donner plus de formation sur le fentanyl et de rendre le NARCAN plus accessible.
Après les rues de Montréal, le fentanyl — un analgésique 100 fois plus fort que la morphine — s’étend maintenant aux allées des pénitenciers.
« On manque cruellement d’informations. Il y a un peu de panique qui s’installe », affirme M. Lebeau.
GRAINS DE SEL
Cet opioïde est extrêmement dangereux, car seulement deux milligrammes de fentanyl pur — l’équivalent de quatre grains de sel — suffisent pour tuer un homme.
« On est conscient qu’en institution, on a rarement affaire à une substance pure. Mais le danger est là quand même et on ne peut pas prendre de risque avec ça », explique M. Lebeau.
La situation est préoccupante autant pour les détenus, qui pourraient consommer du fentanyl sans le savoir, que pour les agents correctionnels. Ces derniers pourraient en trouver par hasard lors d’une fouille.
Cet été, plusieurs gardiens auraient ainsi été intoxiqués dans des pénitenciers de l’Ouest du pays. Quant à eux, des détenus et des agents du pénitencier de Donnacona auraient aussi eu besoin du NARCAN après avoir été en contact avec du fentanyl.
« Les employés ont accès au naloxone dans des délais rapides. Si une analyse du niveau de sécurité démontre que le risque est plus élevé dans un établissement en particulier, il pourrait y avoir plus de naloxone en vaporisation nasale à la disposition des employés », a écrit une porte-parole du SCC hier.