Un consommateur sur cinq exposé au fentanyl
Les autorités demandent aux hôpitaux de Montréal de tester tous les patients traités pour des surdoses
Un consommateur de drogue sur cinq à Montréal a été exposé au fentanyl, parfois sans même le savoir, révèlent des tests d’urine effectués récemment par les autorités en santé publique.
C’est la première fois que la présence de cette puissante drogue, qui peut être mortelle à très faible dose, est mesurée dans la métropole.
Et la situation est jugée si préoccupante que la Direction de la santé publique (DSP) de Montréal a demandé hier à tous les médecins qui traitent des patients en surdose de prendre des échantillons d’urine. Ceux-ci seront envoyés au Centre de toxicologie du Québec, qui va les analyser pour déterminer s’ils contiennent du fentanyl.
La substance, qui est souvent mêlée à d’autres drogues, a déjà fait des centaines de morts au pays.
« C’est préoccupant parce qu’on a maintenant la confirmation de ce qu’on entendait à gauche et à droite, comme quoi le fentanyl était de plus en plus présent à Montréal », explique la médecin-conseil à la DSP, Carole Morissette.
PIRE À VANCOUVER
La cinquantaine d’échantillons analysés jusqu’ici ont été fournis volontairement par des consommateurs de drogues en tous genres. La dizaine de personnes chez qui le fentanyl a été détecté ont toutes avoué avoir consommé de l’héroïne, et certaines de la cocaïne en plus.
« On se doutait que les chiffres pourraient ressembler à ça, mais d’en avoir la confirmation, c’est très inquiétant », commente l’intervenante au GRIP-Montréal, Jessica Turmel.
Des analyses menées dans d’autres villes canadiennes ravagées par le fentanyl montrent que la substance y est tout de même beaucoup plus présente. À Vancouver, des tests effectués à l’aide de bandelettes qui permettent de détecter la présence de fentanyl ont permis d’estimer que 80 % des consommateurs de drogues y avaient été exposés.
Mais à Montréal, le phénomène pourrait encore prendre de l’ampleur. Douze personnes sont mortes par intoxication depuis le 1er août 2017, révèlent des données du Bureau du coroner du Québec. Des analyses doivent toutefois encore être effectuées pour confirmer que ces surdoses sont dues au fentanyl. Mais si c’est bel et bien le cas, le nombre de décès reliés à cette substance à Montréal s’en trouverait décuplé, alors que seulement deux décès au fentanyl ont été confirmés dans la métropole depuis le début de l’année.
DANS TOUTES LES DROGUES
Beaucoup d’autres surdoses pourraient toutefois être également passées sous le radar des autorités. « On a beaucoup de signalements de surdoses rapportés en provenance du milieu, des groupes communautaires, mais aussi de cliniciens qui les rapportent », indique la Dre Morissette.
Selon les résultats des autorités, des milliers de personnes pourraient ainsi avoir été exposées au fentanyl, mais en quantité assez minime pour ne pas subir de surdose, estime le professeur à l’école de psychoéducation de l’Université de Montréal, Jean-Sébastien Fallu.
Et si des traces de fentanyl ont été trouvées dans l’urine de consommateurs d’héroïne, des traces du produit peuvent très bien se retrouver dans d’autres drogues consommées à plus grande échelle.
« C’est préoccupant, ça montre que n’importe qui qui consomme de la drogue, de la petite fille d’Osheaga qui fait de l’ecstasy au musicien qui fait de la poudre, est exposé au fentanyl », explique-t-il.