La police du langage
Depuis quelques jours, on s’acharne sur Jean-François Lisée parce qu’il a qualifié les immigrés illégaux haïtiens « d’invités de Justin Trudeau ».
Quelques jours avant, c’est François Legault qu’on sermonnait pour avoir qualifié de passoire la frontière. On peut penser ce qu’on veut de ces formules, les croire pertinentes ou non.
INDIGNATION
Mais le tumulte qu’elles suscitent révèle à quel point certaines brigades de professionnels de l’indignation dominent le débat public et parviennent à faire un scandale avec peu de choses.
Il suffit qu’un politicien cesse d’emprunter un langage amidonné et technocratique pour qu’immédiatement les pleureuses sortent en meute pour se scandaliser.
Oh la la ! Il a dit un gros mot ! Garnement ! Garnement ! Qu’il s’excuse illico ! Ou alors, on le mettra en pénitence le temps qu’il réfléchisse aux vilaines choses qu’il a dites ! C’est la morale de la petite école appliquée à la vie politique.
Cela n’est pas sans lien avec le mélange de lassitude et de colère qui caractérise le sentiment populaire lorsqu’on parle de politique.
Le commun des mortels en a assez des discours creux, insignifiants, qu’on dirait rédigés par un conseiller en communication à peu près inculte ou par un fonctionnaire tabletté.
Il aimerait sentir un peu de vie dans la parole politique.
Il a le souvenir des grands discours, ceux de René Lévesque ou de Lucien Bouchard. Il se rappelle qu’il y avait là du souffle. Avec eux, on sentait l’histoire nous traverser.
PASSION
Aujourd’hui, de tels discours, ceux des grands leaders des dernières décennies, seraient à peu près impossibles. À chaque trois phrases, on hurlerait au dérapage.
Peut-être serait-il temps de retrouver la raison ?
D’accepter que la vie politique emporte les passions et que, pour se faire comprendre, il faille de temps en temps cesser de parler comme un robot programmé répétant un discours aussi ennuyant qu’aseptisé ?
Proposition : congédions la police du langage.