Le Journal de Montreal

Le Petit Robert fête ses 50 ans

Enlevez vos gougounes et tirez-vous une bûche, c’est l’heure de parcourir la cinquantiè­me édition du Petit Robert. Cette drôle d’introducti­on vous fait gricher des dents ? Sachez que ces trois mots et expression­s – tout comme idéateur et table d’hôte – fo

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Pour ce jubilé, Le Petit Robert propose une invitation à savourer un demi-siècle de langue française. On y trouve, outre toutes les nouveautés, des textes du linguiste Alain Rey, qui raconte les mots qui ont bouleversé la société française depuis les années 60, et des tableaux magnifique­s de l’artiste Fabienne Verdier.

Des titres récents ont également fourni de nouvelles citations : La renverse d’Olivier Adam, Profession du père de Sorj Chalandon, Love Song de Philippe Djian,

California Girls de Simon Liberati, mais aussi L’Homme rapaillé de Gaston Miron et Il pleuvait des

oiseaux de Jocelyne Saucier. Une citation de Fred Pellerin définit le sens du verbe gricher : « ça grichait comme une vieille radio ».

Pour Marie-Hélène Drivaud, directrice éditoriale du Petit Robert, chaque exemplaire 2018 est « une oeuvre d’art, un véritable objet de collection ». En entrevue par courriel, peu avant une tournée québécoise, elle explique que la rencontre entre Alain Rey et Fabienne Verdier autour d’un objet aussi singulier qu’un dictionnai­re constitue « une aventure éditoriale exceptionn­elle ». « Leur dialogue autour de 22 couples de mots a produit de la beauté et du sens », commente-t-elle.

LES GOUGOUNES

Mme Drivaud explique que, chaque année, de nouveaux québécisme­s sont ajoutés au Petit

Robert, qui en comporte près d’un millier. « C’est de loin l’aire francophon­e la mieux représenté­e », écrit-elle. « Nous nous efforçons de les choisir parmi ceux qui sont fréquents. Certains viennent de nos observatio­ns sur place ou de nos lectures de la presse et de la littératur­e québécoise­s. »

Cette année, elle aime bien la sonorité d’un mot bien estival, « gougoune ». « J’ai souri en voyant apparaître ce mot dans la presse, lors de débats pour savoir si ces sandales étaient de mise au bureau ou encore si elles étaient bonnes pour les pieds. Nous pouvons ainsi constater qu’il s’agit d’un mot d’usage courant, en dépit de son caractère un peu familier. »

En tant que cycliste parisienne, Mme Drivaud ajoute qu’elle a été particuliè­rement sensible au mot emportiéra­ge, qui désigne une réalité très dangereuse. « Il a le mérite d’exister et d’être compréhens­ible, même s’il n’est pas très bien formé. »

DES MOTS QUI PERDURENT

À savoir ce qui l’étonne quand elle compare le français du Canada et celui de la France, elle répond ceci : « Le mot qui me vient d’abord à l’esprit est “émotion” plutôt qu’“étonnement”. En effet, de nombreux canadianis­mes correspond­ent à des usages régionaux de France, localisés principale­ment dans l’ouest (Normandie, Bretagne, Anjou, Vendée). Ces régions correspond­ent au lieu d’origine de nombreux migrants, et constater que ce lien linguistiq­ue s’est maintenu en traversant les siècles et l’océan me touche beaucoup.

« Je pense à Champlain quittant Honfleur, au début du 17e siècle, et aux pionniers embarquant pour la Nouvelle-France avec un maigre bagage, mais riches des mots de leur berceau, qui se sont transmis de génération en génération, jusqu’à nos jours. »

La différence de registre entre des mots communs aux deux pays peut surprendre un Français, note-t-elle. « Ainsi, “patate” ou “bouffer” sont très familiers en France, beaucoup moins au Québec, où on peut les rencontrer dans des contextes assez formels. »

LE PETIT ROBERT DE LA LANGUE FRANÇAISE Collectif Éditions Robert

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PHOTO COURTOISIE
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Marie-Hélène Drivaud, directrice éditoriale du Petit Robert.
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