Le Journal de Montreal

BRUNY SURIN DE COUREUR À ENTREPRENE­UR

- Pierre Durocher PDurocherJ­DM

Lui qui courait à la vitesse de l’éclair, Bruny Surin s’est rapidement lancé en affaires lorsqu’il a pris sa retraite, il y a 15 ans.

Aujourd’hui, l’ex-médaillé d’or olympique du relais 4 X 100 mètres a appris à ne pas aller trop vite dans le monde des affaires lorsqu’il gère les opérations de sa propre ligne de vêtements sport, qu’on peut se procurer dans tous les magasins de la chaîne L’Aubainerie au Québec.

« Mon partenaire chez JCorp Inc. prend soin de me rappeler qu’il est bon de ne pas se montrer trop pressé de passer à l’action en certaines occasions », reconnaît Surin dans une entrevue accordée au Journal de Montréal à sa salle d’exposition, située sur la rue Gince, dans l’arrondisse­ment Saint-Laurent.

« Il est toujours utile en affaires de bien réfléchir avant de prendre des décisions. Il faut se montrer prudent, car il y a des requins. Ça joue dur dans ce milieu… »

Si le passage à la retraite est difficile pour un bon nombre d’athlètes, Surin a pris soin de bien préparer son après-carrière.

Il s’est lancé dans la mode en créant sa propre ligne de vêtements, au sein d’une compagnie baptisée Sprint Management.

Une firme qui a grandi depuis au point que Surin planifie aujourd’hui des investisse­ments dans le monde de l’immobilier, comme l’acquisitio­n de complexes multilogem­ents et de résidences pour personnes âgées.

« Les choses vont bien. Je touche du bois, raconte humblement l’ancien vice champion du monde du 100 mètres, qui est dans une forme splendide, même s’il vient de franchir le cap de la cinquantai­ne. La mode est ma seconde passion. C’est incroyable de voir tout le chemin parcouru, autant dans ma carrière de coureur que dans celle d’entreprene­ur.

Je m’arrange pas mal, disons, pour un gars qui a grandi dans le quartier Saint-Michel et qui a pris les moyens pour réaliser ses plus grands rêves. C’est d’ailleurs le message que je livre aux jeunes lors des conférence­s que je prononce. Si on est prêt à prendre les moyens nécessaire­s, on peut réaliser ses ambitions. »

- D’où est venue cette idée de te lancer dans le monde de la mode ?

« J’ai toujours aimé ça. En 1999, j’étais au sommet de ma carrière d’athlète, ayant réalisé un record personnel de 9,84 secondes sur 100 mètres, qui me plaçait parmi les trois meilleurs sprinteurs de la planète. Pourtant, je songeais déjà à mon après-carrière. J’avais eu écho d’histoires d’athlètes ayant vécu des moments de dépression une fois leur carrière terminée et je savais que je devais bien me préparer. J’avais une belle commandite de la compagnie Nike et j’ai eu l’occasion d’aller visiter, cette année-là, le siège social en Oregon puisqu’on m’offrait de choisir les couleurs de mes futurs souliers de course. J’ai été estomaqué en visitant les installati­ons et en rencontran­t les designers de Nike. C’est alors que j’ai eu l’idée de lancer ma propre ligne de vêtements, et la compagnie a officielle­ment vu le jour en 2009. »

- Quel bilan dresses-tu, huit ans plus tard ?

« Je suis très heureux de l’entente d’exclusivit­é avec la chaîne L’Aubainerie. J’ai un bon volume de ventes et une belle croissance. Les deux parties sortent gagnantes dans cette entente. Il faut cependant toujours chercher à prendre de l’expansion dans le monde des affaires, et j’aimerais que ma compagnie devienne un jour une sorte de petit Nike du Québec, en offrant encore plus de choix d’articles aux clients. »

- Les premières années ont-elles été difficiles ?

« Au début, je prenais tout sur mes épaules. Je me rendais moi-même en Asie pour veiller à la confection des échantillo­ns. Les vêtements sport de ma collection se sont tout d’abord vendus dans les magasins Sports Experts, mais le volume était insuffisan­t et j’ai alors conclu un partenaria­t avec JCorp, qui s’est avéré un très bon choix. Je suis aujourd’hui bien entouré et conseillé, notamment par Anlap Vo-Dignard, du Groupe VP. J’ai appris à déléguer des tâches. Savoir bien s’entourer est l’une des clés du succès en affaires. »

- Le fait d’avoir étudié à l’École d’entreprene­urship de Beauce a dû être bénéfique ?

« J’avais besoin de cela. Je suis de nature timide et ça m’a aidé à sortir de ma coquille pour m’adonner à du réseautage. Marc Dutil répétait qu’il fallait trouver les moyens pour atteindre ses objectifs. Ça m’a rappelé mes débuts en athlétisme. J’ai dû cogner à plusieurs portes avant d’obtenir de l’aide sur le plan financier. Mon premier mécène était

le proprio du resto L’entretemps, pour une somme de 500 $. La famille Chagnon m’a ensuite appuyé et ma carrière olympique a pris son envol en 1988, à Séoul, dans l’épreuve du saut en longueur. Quatre ans plus tard, je prenais le 4e rang en finale du 100 mètres aux Jeux de Barcelone et en 1996, à Atlanta, ce fut l’expérience d’une vie quand j’ai fait partie de l’équipe canadienne qui a remporté le relais 4 X 100 mètres devant les Américains. »

- Les gens te parlent-ils encore souvent de cette victoire qui avait gâché le party dans le stade olympique d’Atlanta le soir du 3 août 1996 ?

« Oh ! que oui ! Ça s’est passé il y a 21 ans et on m’en parle toujours. Les gens me rappellent où ils étaient et ce qu’ils faisaient ce soir-là. Ce fut une grande page dans l’histoire du sport canadien. Les gens disent souvent : “On les a bien eus, les Américains.” Cette victoire avait engendré un sentiment de grande fierté chez les Canadiens. Je regarde parfois les images et ça vient encore me chercher. Jamais je n’oublierai le silence dans le stade lorsque j’ai remis le témoin à Donovan Bailey en levant les bras en signe de victoire, parce que je savais que personne n’allait le rejoindre. J’étais fier de ma course parce que j’avais su tourner la page après une contre-performanc­e en demi-finale du 100 mètres. Ça m’a rendu plus fort, au lieu de m’accabler. »

- Crois-tu que le Canadien Andre De Grasse deviendra le numéro 1 mondial du sprint, maintenant qu’Usain Bolt est à la retraite ?

« Je suis certain qu’il le sera, et je le vois bientôt améliorer le record canadien de 9,84 secondes que je partage avec Donovan Bailey. Je le crois capable de courir le 100 mètres en 9,78. Il est tout jeune, alors que moi, j’ai réussi mes meilleurs temps à 32 ans. Ce qu’il a réalisé comme exploit aux Jeux de Rio avec sa récolte de trois médailles était phénoménal pour un sprinteur de 21 ans. Andre possède tous les atouts et il est dommage qu’il ait été forcé de renoncer aux derniers championna­ts du monde en raison d’une blessure à la cuisse. Bolt a cependant placé la barre si haute que je ne vois personne capable de chausser ses souliers et de remplir des stades par sa seule présence. »

- Que penses-tu des adieux ratés d’Usain Bolt à Londres ?

« C’est malheureux qu’il ait raté sa sortie. Je ne serais pas surpris qu’il revienne un jour en piste pour effectuer des adieux plus heureux. D’avoir été battu par Justin Gatlin, un athlète qui a été reconnu coupable de dopage à deux reprises, était le pire des scénarios. »

- Ton nom a circulé plus tôt cette semaine au sujet de cette bataille juridique que tu livres à la compagnie Puma, qui commercial­ise des souliers portant le nom de « Cell Surin », malgré la poursuite en dommages que tu as intentée contre elle. Que peux-tu nous dire à ce sujet ?

« Ça fait deux ans que je me bats pour être dédommagé et je trouve cela plate qu’on en arrive là. J’ai tout fait pour qu’on en vienne à une entente à l’amiable avec Puma, qui n’est pas ouverte aux négociatio­ns. J’ai dû engager un avocat pour aller jusqu’au bout dans ce dossier et je suis heureux d’avoir pu gagner la première manche dans cette bataille, car j’ai maintenant des options. »

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PHOTOS PIERRE DUROCHER ET D’ARCHIVES. 1. Après une glorieuse carrière sur les pistes d’athlétisme, Bruny Surin en mène une belle à titre d’entreprene­ur, soit dans le domaine de la mode. 2. Surin a vécu sa plus forte sensation le soir où les Canadiens ont battu les Américains au relais 4 X...
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