Le Journal de Montreal

Votre saumon fumé a-t-il vraiment été fumé ?

Appellatio­n réservée pour les fumoirs artisanaux québécois ?

- MARIE-ÈVE DUMONT

Le saumon fumé que vous mangez peut avoir été injecté de liquide au goût de fumée plutôt que d’avoir passé des heures dans un fumoir sans que vous fassiez la différence.

« On abuse des consommate­urs avec une fausse informatio­n et on les trompe. Nous souhaitons qu’il ne soit pas possible d’appeler “fumé”, un produit qui a été vaporisé ou injecté, ce n’est pas de la fumée naturelle », stipule Marin Letenneur, propriétai­re du Fumoir la Fée des Grèves.

Un procédé moins long, moins cher et qui donne un produit de moins bonne qualité, plaident des producteur­s de saumon fumé artisanal.

C’est pour que le consommate­ur soit mieux informé et puisse faire un choix éclairé que des fumoirs québécois ont demandé au Conseil des appellatio­ns réservées et des termes valorisant­s d’obtenir un « terme valorisant », semblable aux appellatio­ns contrôlées en Europe.

« CONCURRENC­E DÉLOYALE »

Cette certificat­ion assurera que le poisson ou le fruit de mer fumé qui est acheté a véritablem­ent été fait selon les règles de l’art, avec de la fumée naturelle de bois.

« On n’a pas encore déterminé quelle forme prendra l’indication sur le produit, mais nous avons discuté d’un logo avec une indication “Fumée naturelle” inscrite sur le paquet », mentionne Laura Boivin, propriétai­re du Fumoir Grizzly, qui travaille au projet de certificat­ion.

Les véritables fumoirs cherchent un moyen de se différenci­er des autres produits qui leur font une « concurrenc­e déloyale », selon eux, puisque les deux procédés sont totalement différents.

« Les fumoirs artisanaux mettent le saumon en saumure sèche, soit avec du sucre et du sel, entre autres. On le fait ensuite dégorger et on le rince. On le fait sécher et on le met dans un fumoir », explique Serge Garneau, propriétai­re du Fumoir St-Antoine.

Dans le cas d’un produit fumé « artificiel­lement », toutes ces étapes sont remplacées par l’injection de saumure, d’eau, de fumée liquide et, bien souvent, de nitrites, précise l’entreprene­ur.

« Ce procédé est beaucoup moins long et coûte moins cher en main-d’oeuvre. En ce moment, il y a du saumon fumé qui peut venir de Chine, mais il n’est pas fumé du tout. Ils injectent le filet frais, le laissent sécher, le tranchent et l’envoient au Canada », ajoute-t-il.

Avec l’injection, le poids du poisson gonfle de 15 %, tandis que le procédé naturel lui fait perdre 10 % à 20 % de sa masse.

D’ICI UN AN

Le produit véritablem­ent fumé est donc souvent plus cher sur le marché sans qu’il soit possible de juger des différence­s.

Un produit « injecté » peut se vendre autour de 40 $/kg, tandis qu’un produit véritablem­ent fumé peut être autour de 50 $/kg, ajoute M. Garneau.

La certificat­ion permettra aussi aux produits québécois de se distinguer de ceux qui pourraient arriver d’Europe à la suite de l’entrée en vigueur de l’entente de libre-échange.

« Il risque d’y avoir beaucoup de nouveaux produits, on veut donc se préparer à les recevoir »,dit Mme Boivin.

Les consommate­urs pourraient voir apparaître cette nouvelle certificat­ion sur les tablettes dans un an, selon le Conseil de la transforma­tion alimentair­e du Québec, qui aide les fumoirs de la province dans leur démarche.

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PHOTO COURTOISIE Serge Garneau, propriétai­re du Fumoir St-Antoine, montre un saumon sorti de son fumoir.
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LAURA BOIVIN Propriétai­re du Fumoir Grizzly

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