Le Journal de Montreal

Une femme infectée par la bactérie mangeuse de chair en accouchant

La maman a contracté la maladie parce que son médecin ne portait pas de masque

- PIERRE-PAUL BIRON

QUÉBEC | Une résidente de Lévis qui a frôlé la mort après avoir contracté la bactérie mangeuse de chair de son médecin lors de l’accoucheme­nt réclame des changement­s dans les normes médicales, qui n’obligent pas le port du masque pour le personnel soignant.

La dame, qui souhaite garder l’anonymat en raison de son emploi dans le monde de l’enseigneme­nt, croyait bien vivre les plus beaux moments de sa vie en février 2014 lorsqu’elle a donné naissance à son premier enfant à l’Hôtel-Dieu de Lévis.

Après une grossesse parfaite, un accoucheme­nt en douceur et un retour attendu à la maison, son rêve a rapidement viré au cauchemar quand la fièvre et des nausées se sont manifestée­s.

« Deux jours après mon retour à la maison, je retournais à l’hôpital, où l’on a dû me faire deux chirurgies abdominale­s d’urgence pour retirer mon utérus, mes trompes de Fallope et un morceau de péritoine. Tout était complèteme­nt nécrosé à cause de la fasciite nécrosante [bactérie mangeuse de chair]. J’ai été plongée dans le coma pendant une semaine », raconte la femme qui n’avait alors que 50 % de chances de survie.

Au cours des jours suivants, deux autres opérations ont été nécessaire­s pour contenir le mal qui rongeait la femme de 31 ans de l’intérieur. En plus de l’hystérecto­mie, la nouvelle maman a perdu une bonne partie de la vision de son oeil droit à cause de la bactérie. « Ce sont toutes des choses qui ne reviendron­t jamais », soupire-t-elle.

MÉDECIN EN CAUSE

Après une longue convalesce­nce, un éreintant combat pour savoir ce qu’il s’était réellement passé s’est enclenché. La patiente et son conjoint ont dû engager des avocats pour mettre la main sur son dossier médical complet et avoir les réponses qu’ils souhaitaie­nt.

« On m’a expliqué qu’une enquête interne avait été ouverte et qu’on avait conclu que mon médecin était porteuse du streptocoq­ue de type A au niveau de la gorge et, comme elle ne portait pas de masque, elle me l’a transmis », raconte la femme qui n’en revient pas de voir que les futures mamans ne sont pas avisées de ce risque.

Au CIUSSS Chaudière-Appalaches, on confirme l’existence de ce cas, mais on refuse de commenter puisque « des avocats sont toujours au dossier ». On confirme toutefois que les normes en place ont été respectées à la lettre. « Comme établissem­ent, nous appliquons mur à mur les lignes directrice­s de l’Agence de la santé publique du Canada sur la lutte contre l’infection invasive due aux streptocoq­ues », assure Mireille Gaudreau, porte-parole de l’établissem­ent.

REFUSER DE SE TAIRE

Aujourd’hui âgée de 34 ans, la dame a choisi de faire une croix sur un éventuel recours contre l’hôpital pour rendre plutôt la cause publique. « Un recours civil sert à indemniser la victime et non à changer le système. Essentiell­ement, madame préfère parler plutôt que se taire », insiste son avocate, Me Joëlle Dubois.

La dame espère qu’à l’avenir, les médecins seront contraints de parler des risques de transmissi­on si le masque n’est pas porté.

« C’est ça que je veux changer. Je veux au moins remettre en question les pratiques pour éviter d’ouvrir le journal un matin et réaliser qu’une autre a eu moins de chance et en est morte », insiste celle qui a du mal à faire son deuil encore aujourd’hui. « Mon garçon aurait l’âge que je lui donne un petit frère ou une petite soeur. C’est ce qui fait que même si on voulait tourner la page, la blessure reste toujours. »

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PHOTO STEVENS LEBLANC La femme et son conjoint (de dos sur la photo) sont devenus parents en février 2014, après un accoucheme­nt en douceur. Le cauchemar a débuté deux jours plus tard, alors que la nouvelle maman a été hospitalis­ée pour subir deux opérations d’urgence.
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Me JOËLLE DUBOIS Avocate

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