Le plaisir du crime imposé
Le roman policier, les ventes le démontrent, est le genre littéraire favori des Québécois. Mais la richesse de ce qui se fait ici est méconnue. Heureusement, les recueils de nouvelles dirigés par Richard Migneault s’emploient à corriger le tir.
L’affaire commence il y a deux livres. En 2014, Richard Migneault, passionné de romans policiers (il tient un blogue sur le sujet), a l’idée de demander à différents auteurs québécois de polars de rédiger une nouvelle. Une contrainte : il leur impose le lieu du crime.
BOUCLER LA BOUCLE
Seize écrivains, dont Patrick Sénécal, Chrystine Brouillet et Robert Soulières, répondent à son invitation. Cela donnera Crimes à la librairie. Pour la première fois, on peut littéralement voir la richesse et la diversité du roman policier québécois, d’autant qu’à la fin de chaque nouvelle, leur auteur est longuement présenté.
C’est une telle réussite que Richard Migneault s’y remet l’année suivante, avec un nouvel aréopage de 17 auteurs et un nouvel endroit où sévir. Ce sera Crimes
à la bibliothèque. Même force de frappe, mêmes découvertes, même succès.
Cet automne, M. Migneault boucle la boucle. Il a gardé le concept du lieu imposé — cette fois un musée —, mais il s’est tourné uniquement vers des écrivaines. Après tout, toute l’histoire du genre policier est associée à des reines du crime et dans Crimes au musée, hommage est dûment rendu en avant-propos à la reine québécoise, Chrystine Brouillet.
Autre différence : cette fois, Migneault est sorti du Québec pour ajouter des auteures de France et de Belgique. Ce qui donne 18 signatures aux styles des plus diversifiés.
HISTOIRES FOLICHONNES ET RÉALISME
On trouve donc des histoires folichonnes, comme
L’ombre d’Alphonse, au parfum Belle Époque, signée de la Française Danielle Thiéry, ou le très curieux Mobster’Memories d’Andrée A. Michaud, auteure québécoise plusieurs fois récompensée. Il y a aussi un pastiche d’Agatha Christie, un autre des histoires de gangsters à l’américaine. De quoi faire sourire.
Mais il y a aussi du réalisme. À cet égard, on retiendra Catherine Lafrance, journaliste qui connaît la pression de la tombée et qui s’en sert avec efficacité pour sa nouvelle Le Christ couronné d’épines, mettant en scène un reporter qui a ses patrons sur le dos. Coup de coeur aussi pour cette histoire qui relie Montréal au Rwanda : que de profondeur en quelques pages dans Homme
à la machette de Geneviève Lefebvre !
Le texte de Marie Vindy, chroniqueuse judiciaire à Dijon, est également dans une catégorie à part. Sa nouvelle, pourtant titrée Charogne, est toute en sensualité et en sensibilité. Surprenant.
Et Florence Meney confirme ce qu’on avait déjà constaté ailleurs : son grand talent pour mettre en scène des couples pas très nets, qui finissent bien mal. C’est d’ailleurs l’atout d’une anthologie : découvrir des auteurs méconnus ou en confirmer le talent. Sans oublier le plaisir de retrouver ceux, celles, qu’on aimait déjà.