Paul à Montréal
Après avoir brassé une bière à l’effigie de Paul et été sacré compagnon de l’Ordre des arts et lettres du Québec en mai dernier, Michel Rabagliati se lance dans une bande dessinée pédestre.
Les célébrations du 375e de Montréal font la part belle à la bande dessinée québécoise. Après Rues de Montréal, lancé à la fin du printemps, où 14 artistes exposent de courtes histoires en huit planches présentées dans 3 parcs de l’arrondissement Rosemont, voilà que Paul s’offre le Plateau-Mont-Royal à lui tout seul. Michel Rabagliati, un des auteurs du 9e art québécois le plus exposé (Bing Bang et La Pastèque au Musée, Musée des beaux arts de Montréal, 2011 et 2013 ; BDQ, Musée Québécois de culture populaire, en cours) a été séduit par l’idée de Paul à Montréal. « Les éditeurs de La Pastèque m’ont proposé de réaliser une douzaine de cases mettant en scène Paul qui formeraient un parcours extérieur. Ce qui au départ devait prendre tout au plus quelques jours s’est transformé en cinq mois de travail, raconte l’artiste, rejoint au téléphone. Non seulement cela a demandé beaucoup de recherche, mais la taille des illustrations a exigé une minutie dans l’exécution. »
Les splendides cases panoramiques muettes racontent une tendre poursuite, celle d’un vertueux Paul qui tente de rendre un fichu à une inconnue l’ayant distraitement échappé. Elles narrent également, en filigrane, l’histoire de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal du 17e siècle à aujourd’hui. L’auteur se défend toutefois d’avoir abordé le projet par le truchement d’une démarche scientifique. « Il s’agit d’une fantaisie historique. Ne mettez surtout pas ça au programme d’histoire à l’école, s’exclamet-il. Chaque case englobe plus ou moins une tranche de 50 années. Certaines institutions qui n’ont pas nécessairement coexisté en même temps s’y retrouvent pour l’occasion. » Ce grand passionné de typographie et d’enseignes publicitaires s’en est donné à coeur joie, nous livrant de jubilatoires fresques où il fait bon de s’y perdre. L’amour de ce quartier qui anime Rabagliati, celui de Paul en appartement, est contagieux.
Le trajet, qui prend une quarantaine de minutes à parcourir, nous plonge non seulement dans l’univers fictif chéri des lecteurs québécois, il nous convie au rapport intime que nous entretenons avec cette ville. Le succès de Paul tient — en autres — au fait que son univers, ancré dans l’histoire du Québec, est fédérateur.
L’exposition fera l’objet d’un somptueux catalogue à la fin de l’automne. De plus, l’artiste travaille activement au neuvième volet de sa série, dont l’action se déroulera 15 ans après Paul à Québec. Prévu pour 2018, juste à temps pour les célébrations du 20e anniversaire des éditions La Pastèque, Michel Rabagliati nous promet un album plus sombre et introspectif, néanmoins ponctué de drôlerie, tient-il à nous rassurer.