Le Journal de Montreal

Une Québécoise veut aider à rebâtir son île d’adoption

La sexagénair­e qui habite depuis 16 ans à Saint-Martin a presque tout perdu

- HUGO DUCHAINE

Une Québécoise qui vit sur l’île de Saint-Martin depuis 16 ans refuse de fuir les Caraïbes après le passage destructeu­r de l’ouragan Irma.

« C’est paniquant, admet Monie Turcotte, qui court le risque de manquer de médicament­s et de nourriture. Mais j’aime tellement mon île, que je reste et je participe à la reconstruc­tion. »

Il y a une semaine, des vents de plus de 300 km/h ont complèteme­nt ravagé son petit paradis et détruit la presque totalité des bâtiments de sa ville de Grand-Case.

Les touristes ont vite fui les Caraïbes, laissant derrière eux les débris de leur hôtel, mais pour les résidents comme Monie Turcotte, le retour à la vie normale ne pointe même pas à l’horizon.

MISSIONS

« Je suis incapable de me projeter dans l’avenir, mais je me donne chaque jour de petites missions », dit la femme de 62 ans.

Si l’électricit­é est revenue dans quelques petits endroits, l’eau courante, elle, se fait attendre. Un supermarch­é a rouvert ses portes, mais il faut faire la file pendant cinq heures pour espérer y entrer. Même chose pour mettre 20 litres d’essence dans sa voiture, raconte-t-elle.

« Des gens n’ont plus rien, ils errent dans la rue avec les mêmes vêtements sales depuis une semaine [...] Des maisons et des dépanneurs ont été pillés », décrit Mme Turcotte, ajoutant que l’armée gère son île actuelleme­nt.

SAUVÉE PAR DES AMIS

Elle s’estime d’ailleurs très chanceuse d’être encore en vie, grâce à des amis qui l’ont convaincue à la dernière minute d’aller se réfugier dans les terres.

Elle avait déjà affronté trois ouragans dans son appartemen­t au bord de la mer, qui sert aussi de bureau à cette psychologu­e, mais elle avait sous-estimé la force jamais vue d’Irma dans l’Atlantique.

Le toit de son immeuble a été arraché par les vents et à son retour sur les lieux inondés, ses photos et souvenirs des dernières années flottaient à ses pieds.

Elle se souvient avec terreur du passage de l’ouragan qu’elle a vécu enfermée dans une petite salle de bain de béton, avec trois personnes et un chien. La basse pression lui donnait aussi mal aux oreilles, comme en plongée sous-marine.

Elle n’a aucune idée du moment où elle pourra regagner un nouveau logement. Mais encore plus inquiétant pour Monie Turcotte, c’est la crainte de manquer de médicament­s et de nourriture.

CANCER

Elle lutte contre un cancer du côlon et suit un traitement oral de chimiothér­apie. Pour l’instant, elle ne prend qu’une pilule tous les deux jours afin d’étirer ce qui lui reste le plus longtemps possible.

Son oncologue, qui se trouve en Guadeloupe, une île à 250 km de Saint-Martin, va lui faire parvenir une nouvelle ordonnance qu’elle espère trouver bientôt, dans une pharmacie ou un hôpital.

Sa maladie l’oblige aussi à s’alimenter sans gluten, ce qui est déjà difficile à faire à Saint-Martin en temps normal.

« J’ai décidé de ne pas m’en faire », ditelle sereinemen­t, prête à se retrousser les manches pour son île. Elle est tombée amoureuse de l’endroit en y accostant son voilier en 2001 et ne la quitte que pour visiter sa fille Daliane Guimond Turcotte et ses petits-enfants au Québec.

Celle-ci se fait un sang d’encre pour sa mère, qu’elle a tenté en vain de convaincre de rentrer au pays. C’est pourquoi elle a lancé une campagne de sociofinan­cement pour soutenir sa maman.

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PHOTOS COURTOISIE Le ventilateu­r de l’appartemen­t de Monie Turcotte a survécu à Irma, contrairem­ent au toit. La résidence de la psychologu­e lui servait aussi de bureau (en mortaise).
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MONIE TURCOTTE Résidente de Saint-Martin

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