Le Journal de Montreal

EN 5 QUESTIONS

Vent de panique à Madrid

- Loïc Tassé

Difficile de concevoir une stratégie plus absurde que celle du gouverneme­nt espagnol face aux indépendan­tistes catalans. Plutôt que de jouer le jeu de la démocratie et de tenter de convaincre les Catalans qu’il vaut mieux pour eux demeurer dans l’Espagne, le gouverneme­nt espagnol fait l’inverse. Il interdit la tenue d’un référendum sur l’indépendan­ce et il menace de traîner en Cour tous ceux qui aident à organiser le référendum sur l’indépendan­ce prévu le 1er octobre prochain.

Cette stratégie dure, que Madrid poursuit depuis quelques années, a fait grimper la popularité de l’indépendan­ce en Catalogne. Refuser un référendum catalan sur l’indépendan­ce pourrait aussi justifier une éventuelle déclaratio­n d’indépendan­ce unilatéral­e de la Catalogne, puisque toute autre action démocratiq­ue deviendrai­t impossible.

1 D’où vient le sentiment d’indépendan­ce des Catalans ?

Le sentiment d’indépendan­ce de la Catalogne dépasse l’appartenan­ce linguistiq­ue. Le catalan n’est la langue maternelle que d’un tiers des Catalans. Depuis son rattacheme­nt à l’Espagne, en 1716, la Catalogne a subi diverses frustratio­ns politiques qui ont contribué au renforceme­nt du nationalis­me. Par exemple, le pouvoir a longtemps été très centralisé à Madrid. Sous le règne du général Franco, le catalan a été interdit dans l’espace public. La Catalogne a été une des premières zones industrial­isées de l’Espagne. Ce développem­ent a contribué à la richesse de la région. Cette richesse a été en partie redistribu­ée au reste de l’Espagne. Les nombreux grands artistes catalans, comme Dali ou Picasso, ont aussi cultivé chez les Catalans un sentiment de fierté distinct.

2 Quelle est la position de l’Espagne ?

Le gouverneme­nt espagnol estime qu’un référendum sur l’indépendan­ce de la Catalogne devrait impliquer toute la population d’Espagne. Bien entendu, les indépendan­tistes catalans perdraient un tel référendum. Le droit internatio­nal est pourtant clair : les citoyens qui forment un pays doivent habiter un même territoire, partager une volonté de vivre ensemble et posséder un gouverneme­nt. La Catalogne peut remplir toutes ces conditions. La question consiste à savoir si les Catalans veulent vivre avec les autres Espagnols. Elle n’est pas de savoir si les Espagnols veulent vivre avec les Catalans. Comme dans n’importe quel divorce, aucun époux ne possède de droit de veto sur le départ de son épouse. Par contre, les Espagnols pourraient essayer d’utiliser la force pour contraindr­e les Catalans à demeurer espagnols. 3 L’Union européenne appuie-t-elle le gouverneme­nt espagnol ? La structure même de l’Union européenne favorise l’indépendan­ce de plusieurs autres minorités qui sont enchâssées à l’intérieur d’un État. C’est qu’en théorie, le marché commun européen permet à ces minorités de survivre économique­ment sans avoir à dépendre du marché de l’État dans lequel elles sont incluses. Les dirigeants européens ne veulent pas ouvrir cette boîte de Pandore. 4 Quels seraient les résultats d’un référendum ? Les indépendan­tistes sont en avance. Il y a encore deux ans, les indépendan­tistes tiraient de l’arrière avec moins de 40 % des voix. Tranquille­ment, à mesure que le gouverneme­nt de Madrid raidissait sa position, le nombre de Catalans en faveur de l’indépendan­ce augmentait. Aujourd’hui, selon un récent sondage, le oui à l’indépendan­ce l’emporterai­t avec plus de 60 % des voix, parce que l’abstention serait élevée chez ceux qui sont pour le non. 5 Quelle est la stratégie des indépendan­tistes ? À l’évidence, Madrid est en train de paniquer. Il est difficile de croire que les indépendan­tistes catalans n’avaient pas prévu cette réaction. Les indépendan­tistes ont la légitimité et la démocratie de leur côté. Les forces indépendan­tistes seront-elles capables de vaincre Madrid ?

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