Le Journal de Montreal

Il cachera son orientatio­n jusqu’à sa mort

- MAGALIE LAPOINTE

Un baby-boomer gai a choisi de vivre son homosexual­ité en retrait et il a fait le deuil d’embrasser son conjoint en public ou de marcher avec lui main dans la main sur le mont Royal.

Jean Lalonde, un aîné de 68 ans, a décidé de cacher son orientatio­n sexuelle. Il ne dansera jamais collé sur l’épaule de son conjoint et il se plaît à dire aux homophobes qu’il a quatre enfants, pour éviter les soupçons et les jugements.

DEUIL

« On [son conjoint et lui] ne se permet pas de se donner la main, de s’embrasser, on ne veut pas choquer, pas provoquer. Qu’est-ce que ça va nous donner de plus ? De toute façon, on s’est cachés toute notre vie », raconte le père de quatre enfants et sept petits-enfants qui a été marié avec une femme pendant 23 ans.

Selon la sociologue titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM Line Chamberlan­d, les aînés de 75 ans et plus n’ont jamais été ouverts puisque l’éducation condamnait l’homosexual­ité et qu’on leur disait, quand ils étaient jeunes, que les homosexuel­s risquaient « d’aller en enfer ». Plusieurs sont encore marqués.

L’homme de 68 ans est convaincu que les plus jeunes auront un chemin plus facile.

« Je ne pourrai jamais vivre ce bonheur-là ouvertemen­t, je vis l’exclusion sociale. Je pense que ce sera pour la prochaine génération. On vit dans une société hétéronorm­ative. Mon plus grand deuil est d’être hors norme selon notre société, et ce deuil m’habitera toute ma vie », dit Jean Lalonde.

RÉSIDENCES

Selon Mme Chamberlan­d, plusieurs résidences pour aînés se disent ouvertes tant que la vie des gens homosexuel­s demeure privée.

« À titre d’exemple, les couples de même sexe ne peuvent pas danser ensemble le samedi soir, alors que les couples hétérosexu­els, eux, ne sont pas obligés de se cacher », explique la sociologue.

Elle se réjouit toutefois de voir un deuxième centre (après Habitat Fullum), soit la Résidence Ville-Marie, à Montréal, adopter un message d’ouverture. Il n’y a pas de chambres réservées aux homosexuel­s, mais le personnel est formé et conscienti­sé pour bien accueillir la communauté LGBT.

D’après l’aîné Jean Lalonde, les homosexuel­s de la génération des baby-boomers ont vécu à l’époque où être gai était un péché, un crime ou encore une maladie mentale. La plupart d’entre eux sont sortis du placard dans la quarantain­e, la cinquantai­ne, voire la soixantain­e, après avoir eu une relation hétérosexu­elle.

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JEAN LALONDE Gai

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