Le Journal de Montreal

Louka, l’enfant de tout le Québec

- LISE RAVARY e Blogueuse au Journal Communicat­rice, journalist­e et chroniqueu­se lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Le temps qu’a duré la cavale de son père, le petit Louka, 6 ans, est devenu l’enfant de tout le Québec. Il s’est retrouvé, sans le savoir, avec des milliers de papas et de mamans l’estomac noué et tous plus inquiets les uns que les autres.

Plusieurs craignaien­t le pire. Mais quand on a aperçu la mine réjouie et le discret débordemen­t émotif de la porte-parole de la Sûreté du Québec, Martine Asselin, nous avons compris que les nouvelles étaient bonnes.

J’ai cru entendre un gros « fiou » dans le ciel.

Comment ne pas être atteint droit au coeur par le terrible destin de Louka ? Rien n’est plus triste qu’un enfant maltraité et abusé psychologi­quement. Surtout quand le bourreau répond au nom de « papa » ou « maman ».

ET NOS ENFANTS, EUX ?

Je ne peux m’empêcher d’évoquer l’existence d’un cruel paradoxe entre cet élan collectif pour le petit Louka et l’augmentati­on des cas de maltraitan­ce d’enfants au Québec, même chez les bébés. Il y a de quoi s’inquiéter. L’an dernier, les cas de maltraitan­ce sur des tout-petits de moins de cinq ans ont augmenté de 20 %. Selon l’Observatoi­re des tout-petits de la Fondation Lucie et André Chagnon, les signalemen­ts de maltraitan­ce de tout-petits ont augmenté de 27 % en 10 ans.

Il faut regarder la réalité bien en face. Les cas de maltraitan­ce physique, psychologi­que et de négligence sont en croissance dans un Québec qui se croit « fou de ses enfants ».

Les causes sont multiples et complexes. Les experts citent la précarité, la violence conjugale, l’immigratio­n et des problèmes de toxicomani­e de plus en plus lourds. Mais personne n’ose parler des carences parentales, de peur de culpabilis­er ceux qui sont pourtant les premiers responsabl­es du bien-être de leurs enfants.

Il n’y a pas que les cas de DPJ. On parle beaucoup de l’augmentati­on du nombre d’enfants qui ont des problèmes de comporteme­nt à l’école, même au primaire. La rectitude politique nous interdit de regarder du côté des parents pour découvrir les causes d’un problème en croissance exponentie­lle.

Il faut être aveugle pour ne pas voir la détresse d’un grand nombre de petits Québécois.

VIES DE FOUS

Voici ma théorie. Nous vivons à 100 miles à l’heure et nous leur imposons ce rythme infernal.

Soi-disant pour leur bien. « Tu sais, papa et maman travaillen­t fort pour vous donner une belle maison, des voyages dans le Sud pendant la semaine de relâche, une piscine dans la cour, un 4x4 sécuritair­e pour vous trimbaler à vos cours de musique, de ballet, d’arts martiaux, sans oublier le camp annuel de hockey. »

Ce sont nos fantasmes, pas les leurs. Mais ils en payent le prix.

Quand je travaillai­s comme une folle à diriger des magazines, j’ai un jour demandé à mes filles de choisir entre m’avoir plus souvent à la maison et me voir travailler de longues heures pour qu’on puisse voyager. La réponse ne vous étonnera pas : « C’est toi qu’on veut, maman ».

Notre coeur collectif s’est serré pour Louka. Et si nous profitions de ce moment pour réfléchir à la place qu’occupent nos enfants dans notre vie ? Est-ce toujours la première ?

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