Le Journal de Montreal

Un amputé souvent insulté pour sa vignette de stationnem­ent

Il dénonce aussi les automobili­stes qui utilisent un espace réservé aux handicapés

- HUGO DUCHAINE

Un Montréalai­s amputé de la jambe droite n’en peut plus des regards accusateur­s et des remarques blessantes qu’il reçoit presque chaque fois qu’il gare sa voiture dans un espace réservé aux handicapés, parce qu’il n’a pas l’air de souffrir.

« Ça me ferait plaisir de ravoir ma jambe et de me stationner 20 espaces plus loin. Je ne tripe pas à utiliser une place pour handicapé. [...] Aucune personne handicapée ne se sent VIP parce qu’elle est stationnée près de la porte », dénonce Daniel H. Lanteigne.

L’homme de 30 ans détient une vignette de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) depuis l’âge de 4 ans, quand un accident de tracteur lui a coupé une partie du pied.

Elle servait alors à ses parents lorsqu’il se baladait en voiture avec eux. Puis, à 15 ans, il a dû être amputé sous le genou à la suite d’une grave infection causée par la bactérie mangeuse de chair.

« Dès que je mets des jeans, mon handicap devient un peu invisible », dit-il. Mais même cachée, sa prothèse lui fait mal après de longues marches.

« VIRER FOU »

Aujourd’hui directeur général de la Fondation RÉA, vouée à la réadaptati­on des personnes handicapée­s, il a l’impression que les Québécois « sont en train de virer fous » avec les stationnem­ents réservés aux handicapés.

« Tout le monde me challenge, me demande pourquoi j’ai une vignette, si je la mérite. Un policier m’a même dit qu’elles semblaient faciles à obtenir si j’en avais une. [...] Il y a un manque de respect », remarque M. Lanteigne.

Il rappelle aussi que Le Journal rapportait en août qu’un gérant de pharmacie a été poignardé pour avoir demandé à une factrice de ne pas s’y garer. Cet été, la police de Saint-Jérôme a quant à elle débusqué pas moins d’une cinquantai­ne de fausses vignettes.

PAS D’EXCUSES

Daniel H. Lanteigne ne compte plus le nombre de fois où il voit des personnes garées illégaleme­nt dans des espaces de stationnem­ent réservés aux handicapés et qui lui font un doigt d’honneur s’il leur demande de se déplacer.

« Jamais ils ne se sentent mal, ils ne s’excusent pas, ils ont toujours une bonne raison de l’utiliser pour deux minutes », racontet-il. La semaine dernière, une femme qui attendait dans sa voiture dans un espace pour handicapé lui a dit de « prendre son gaz égal », quand il lui a poliment rappelé qu’elle devrait se garer ailleurs.

Il tient à rappeler que ces places doivent servir à des personnes vulnérable­s, dont c’est la santé qui est mise en péril s’ils doivent se stationner plusieurs mètres plus loin. Les vignettes, précise-t-il, sont attribuées sur l’avis d’un médecin.

Les personnes en fauteuil roulant sont particuliè­rement à risque dans un stationnem­ent, pouvant passer inaperçues dans un rétroviseu­r, dit-il. D’autres ont un handicap invisible, si elles ont des problèmes cardiaques ou respiratoi­res, par exemple.

Mais ce qui le fâche par-dessus tout, c’est lorsqu’il entend des commentair­es déplacés ou qu’il voit des automobili­stes garés illégaleme­nt sur son lieu de travail, qui est pourtant un institut de réadaptati­on physique pour handicapés.

« Même dans les centres hospitalie­rs, où tu penserais que les gens vont se garder une petite gêne ! » s’offusque-t-il.

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PHOTO HUGO DUCHAINE Daniel H. Lanteigne croit que le fait que son handicap soit caché sous son pantalon explique pourquoi des gens mettent en doute son besoin d’une vignette.

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